Ceux qui fument applaudiront sans doute l’éloge du tabac que fait Sganarelle (Benoît Brière). Ce sont les premières phrases du Don Juan (1665) de Molière: «Il n’est rien d’égal au tabac; c’est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l’on apprend avec lui à devenir honnête homme».
L’intrigue
Mais c’est là un faux départ. L’action commence aussitôt après, alors qu’il est question, entre lui et Gusman (Nicolas Van Bureck), l’écuyer de Done Elvire (Sarah Topham), l’épouse de Don Juan (Colm Feore), de la relation amoureuse de leurs maîtres qui tourne au vinaigre.
La faute revient au seul Don Juan dont Sganarelle fait un portrait sans complaisance: «Tu vois en Don Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un démon, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni Enfer, ni loup-garou, qui passe sa vie en véritable bête brute, un pourceau d’Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l’oreille à toutes les remontrances qu’on lui peut faire et traite de billevesées tout ce que nous croyons».
Le spectateur est fixé, et rien de ce qui suit ne le détrompe. La philosophie de Don Juan est simple quoique en deux parties: «Tout le plaisir de l’amour est dans le changement […]. Lorsqu’on est maître une fois, d’une jeune beauté, il n’y a plus rien à dire ni rien à souhaiter; tout le beau de la passion est fini».
Les quatre autres actes illustrent cette pensée. Donc, pas de surprises. Dom Juan aime, séduit et se lance aussitôt dans une nouvelle aventure.