Le budget du Québec met le cap sur la création de la richesse

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Publié 21/03/2012 par Jocelyne Richer et Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 17h05 HAE, le 20 mars 2012.

QUÉBEC – Dans les années qui viennent, Québec misera comme jamais sur la création de richesse, grâce au développement soutenu des ressources naturelles, pour accroître ses revenus et financer les services publics.

Le budget 2012-2013, déposé mardi par le ministre des Finances, Raymond Bachand, indique à quel point Québec compte s’appuyer sur les richesses du sous-sol pour boucler son budget.

Ainsi, grâce aux milliards de redevances à percevoir et aux retombées économiques anticipées, le gouvernement fait le pari qu’il pourra maintenir le niveau élevé de services publics et de programmes sociaux offert aux Québécois, particulièrement aux personnes âgées, qui sont les grandes gagnantes de ce budget.

Pour le reste, le gouvernement Charest affiche une image de continuité quant à sa gestion des finances publiques. Avec un taux de croissance économique de 1,5 pour cent prévu en 2012, le déficit zéro est toujours attendu pour l’an prochain, dans le budget 2013-2014.

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En 2012-2013, le déficit ne devrait pas dépasser 1,5 milliard $, selon les estimations, alors qu’il était plus du double, à 3,3 milliards $, en 2011-2012.

Aucune nouvelle hausse _ ou baisse _ de taxes, de tarifs ou d’impôts ne figure au budget 2012-2013.

Pendant ce temps, la croissance des dépenses gouvernementales, autour de 2 pour cent en 2012-2013, comme l’année précédente, semble sous contrôle.

Quant aux étudiants, rien n’est inscrit pour eux au budget, en termes de révision des hausses controversées de droits de scolarité. «La décision est prise. Elle est irrévocable», a dit le ministre Bachand à ce propos, en conférence de presse.

Dans la colonne des revenus anticipés, le Plan Nord devient la pièce maîtresse dans laquelle Québec met toutes ses billes pour remplir ses coffres, grâce notamment à la création de Ressources Québec, une filiale d’Investissement Québec chargée de multiplier les prises de participation publique dans les projets miniers à hauteur de 1,2 milliard $. Québec prévoit que les redevances minières vont ajouter 4 milliards $ au trésor public au cours de la prochaine décennie.

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Des retombées fiscales additionnelles de 6,1 milliards $ sont attendues des minières d’ici 2016.

Québec met aussi en place un régime de redevances pour les hydrocarbures, qui sera progressif.

Du côté de la forêt, on prévoit que les revenus de redevances passeront à 282 millions $ en 2016-2017, comparativement à 111 millions $ en 2011-2012. Québec injectera 500 millions $ par an pour financer divers travaux sylvicoles, d’ici cinq ans.

Tous ces milliards seront précieux pour financer les programmes sociaux, dont ceux destinés aux personnes âgées, qui seront de plus en plus nombreuses. L’objectif: faire en sorte qu’elles restent chez elles le plus longtemps possible. Le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie qui auront droit à plus de services pour demeurer à domicile plus longtemps augmentera de 50 000, passant à 228 400, en 2016. Au total, Québec prévoit débloquer 2,7 milliards $ en soutien aux aînés d’ici 2017, incluant de 5600 nouvelles places pour divers types d’hébergement.

«C’est le budget dont le Québec a besoin», selon le ministre Bachand, pour assurer son développement économique et faire face à ses responsabilités. Il a nié que l’échéance électorale ait été prise en compte dans la rédaction du document, une brique de 1000 pages.

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La lutte aux changements climatiques demeure une priorité. Un plan d’action, incluant la mise en place d’un marché du carbone, se traduira par des investissements de l’ordre de 2,7 milliards $, principalement dans le transport en commun, de 2013 à 2020.

Le Québec est toujours la province canadienne la plus endettée, se dirigeant vers un record de plus de 200 milliards $ en 2015. Dans l’année qui vient, Québec prévoit verser 1,2 milliard $ au Fonds des générations pour rembourser la dette.

Tel qu’annoncé l’an dernier, un régime volontaire d’épargne-retraite voit le jour. Quelque 2 millions de Québécois, qui ne bénéficient pas d’un régime privé compensatoire de retraite, pourront s’en prévaloir à compter de janvier 2013. Les employeurs devront offrir un tel régime et les employés y seront automatiquement inscrits, mais ils pourront choisir de s’en retirer.

Réactions modérées

Hormis les associations étudiantes, aucun groupe n’a poussé les hauts cris devant le budget Bachand déposé mardi à l’Assemblée nationale.

De façon générale, les organisations patronales ont apprécié le maintien du retour à l’équilibre budgétaire en 2013-2014 et la modestie des dépenses.

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«C’est un budget qui a peu de moyens financiers, en partant. Il met en place les bons leviers; on appuie sur les bons boutons», a résumé en entrevue Simon Prévost, des Manufacturiers et exportateurs du Québec.

L’accent mis sur le Plan Nord a été applaudi par la présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand. «Ou on embarque dans le train du développement minier ou on passe notre tour», a-t-elle tranché.

La fédération s’accommode de la création de Ressources Québec pour accroître les prises de participation du gouvernement dans les minières. «On n’est pas très fort, nous, sur les nouvelles structures, mais y rajouter 500 millions $, on est d’accord. On est parfaitement d’accord avec le développement des ressources naturelles et le Plan Nord», a résumé en entrevue Mme Bertrand.

Le président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, met toutefois en garde ceux qui se réjouissent trop vite de cette prise de participation gouvernementale dans des minières. «Quand ça va aller moins bien, les gens vont dire ‘hey, comment ça se fait qu’on perd de l’argent là-dedans?’» prédit-il.

M. Dorval ne blâme tout de même pas le gouvernement pour cette initiative. «C’est très québécois. Beaucoup de Québécois demandaient au gouvernement d’intervenir» et d’accroître sa prise de participation dans ces entreprises, a-t-il fait valoir en entrevue.

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Pour ce qui est du fonds de 170 millions $ pour favoriser la deuxième et la troisième transformations des produits du bois, M. Dorval s’en réjouit. «Ça c’est excellent; le milieu des affaires le demandait.»

«Ça lance le bon message», confirme Simon Prévost, des Manufacturiers et exportateurs.

Au Fonds de solidarité de la FTQ, qui gérera ce fonds favorisant la transformation du bois avec le gouvernement, on se félicite de cette intervention sollicitée depuis des années. «On pense que ce fonds va faire en sorte qu’on va être capable de maintenir et de créer des emplois dans la deuxième et la troisième transformations», a opiné en entrevue Michel Arsenault, président de la FTQ.

Il rappelle que plusieurs régions du Québec ont été durement «éprouvées» par les difficultés de l’industrie forestière, comme le Saguenay_Lac Saint-Jean, la Mauricie, la Gaspésie, l’Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord.

Le président de la plus importante centrale syndicale québécoise se désole cependant de la tiédeur des mesures visant à améliorer les revenus de retraite. Le régime proposé reste volontaire et les très petites entreprises en seront dispensées. «Avec cette formule-là, on est en train de déresponsabiliser les employeurs. Or, la retraite, c’est l’affaire des employés et des employeurs aussi», rappelle M. Arsenault.

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Il déplore le fait que la seule obligation pour l’employeur, avec le régime proposé, sera de faire les retenues salariales à la source. Le syndicaliste rappelle qu’un Québécois sur deux ne dispose pas de régime de retraite.

Les nombreuses mesures touchant les personnes âgées ont donné de l’espoir à l’Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, qui regroupe à la fois les hôpitaux et les CHSLD (Centres d’hébergement et de soins de longue durée).

La directrice générale Lise Denis croit que l’avenir dira si les centaines de millions de plus injectés chaque année suffiront à la demande. «Est-ce que c’est vraiment suffisant? Il faudra l’évaluer au fur et à mesure des cinq ans», a-t-elle conclu en entrevue.

Elle admet qu’à première vue, 850 places dans les centres d’hébergement sur plusieurs années paraît peu compte tenu de l’ampleur des besoins, mais elle note que le gouvernement accroîtra les fonds pour les ressources intermédiaires, ce qui soulagera les CHSLD. Elle rappelle aussi qu’il y aura plus de fonds pour les places en transition après un séjour à l’hôpital et plus d’aînés qui bénéficieront de services à domicile.

Chez certains de ces organismes qui dispensent ces services à domicile aux personnes âgées, on trouve les fonds alloués «nettement, nettement insuffisants». Nancy Neamtan, du Chantier de l’économie sociale, rappelle que 6000 personnes dispensent des services à 80 000 aînés qui demeurent chez eux _ entretien ménager, aide aux repas, etc.

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Pour ces entreprises d’économie sociale, il manque «au moins 16 millions $», a évalué Mme Neamtan, en entrevue.

Elle juge «plutôt inquiétant» le choix de privilégier les crédits d’impôt pour soutenir les aînés qui restent à domicile, arguant que ce ne sont pas toutes ces personnes qui peuvent trouver elles-mêmes le service requis, gérer les crédits d’impôt ou faire appel à un comptable.

Du côté des associations étudiantes, on ne décolère pas.

«C’est un budget qui va attiser la colère des étudiants de plus en plus. Ça va stimuler la mobilisation», a prévenu en entrevue le coporte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante, Gabriel Nadeau-Dubois.

«Ce n’est rien pour calmer la grogne étudiante», affirme aussi Léo Bureau-Blouin, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.

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«Si le gouvernement pense que ce budget-là va scier les jambes du mouvement étudiant, je pense qu’il se trompe de beaucoup. Au contraire, ça va fouetter les troupes», a-t-il averti.

François Saillant, coordonnateur du Front d’action populaire en réaménagement urbain, déplore le fait que le gouvernement ne réalise pas autant de logements sociaux que le chef libéral Jean Charest l’avait promis en campagne électorale, soit 3000 par année. Il souligne cependant que des unités de logement du programme Accès Logis seront réservées aux aînés à faible revenu, qui en ont grand besoin.

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