Massacre en Afghanistan: la vie du suspect s’embourbait

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Publié 13/03/2012 par The Associated Press et La Presse Canadienne

à 22h38 HAE, le 17 mars 2012.

LAKE TAPPS, États-Unis – Ignoré pour une promotion et peinant à payer sa maison, le sergent américain Robert Bales tentait depuis plusieurs mois d’être transféré de son emploi — sur une base militaire de l’État de Washington — avant qu’il ne soit soupçonné d’avoir tué par balles 16 civils dans une zone de guerre, en Afghanistan, dimanche 11 mars.

Des documents dressent un portrait complexe du sergent de l’armée des États-Unis, qui éprouvait des difficultés financières et des démêlés avec la justice.

Au moment où le sergent Bales, âgé de 38 ans, se retrouvait isolé dans une cellule d’une prison militaire de Fort Leavenworth au Kansas, samedi, d’anciens camarades de classe et des voisins de l’Ohio se remémoraient un joueur de football insouciant, qui s’occupait des autres et évitait les fauteurs de trouble du quartier.

Des documents de la cour et des entrevues démontrent toutefois que le militaire, qui s’est enrôlé il y a onze ans, avait choisi l’armée après qu’un emploi dans l’investissement eut tourné au vinaigre en Floride. Le sergent Bales a également possédé une maison dans la région de Seattle qu’il a abandonnée, et avait des difficultés à payer sa seconde propriété. À cela s’ajoutait le fait qu’il n’avait pu obtenir de promotion ou de transfert il y a un.

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La famille Bales espérait déménager en Allemagne, en Italie ou à Hawaii, mais l’armée a plutôt annoncé le redéploiement de son unité en Afghanistan. Il s’agissait de la quatrième mission du militaire dans le pays en guerre.

Le sergent Bales n’arrivait pas à joindre les deux bouts et à faire ses paiements sur sa maison de Lake Tapps, une zone rurale au sud de Seattle. Son épouse avait demandé à ce que la maison soit mise en vente trois jours avant que la fusillade n’ait lieu en Afghanistan.

Ses problèmes avec la justice incluent notamment des accusations remontant à 2002, dans l’État de Washington, selon lesquelles il aurait agressé une petite amie. Le sergent avait plaidé non coupable et s’en était tiré avec 20 heures de conseils en gestion de la colère, après quoi l’affaire avait été abandonnée.

Une accusation de délit de fuite a elle aussi été abandonnée il y a trois ans à Sumner, dans le même État. Il se serait présenté avec son costume militaire ensanglanté, mais aurait déclaré à la police s’être endormi au volant.

Représailles talibanes

Mardi, des talibans ont ouvert le feu sur une délégation du gouvernement afghan en visite dans l’un des deux villages du sud de l’Afghanistan où un soldat américain est accusé d’avoir tué 16 civils le 11 mars.

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Un soldat afghan chargé de la protection de la délégation est mort, tandis qu’un autre, ainsi qu’un procureur militaire, ont été blessés lors de cette attaque dans le village de Balandi, selon le général Abdul Razaq, chef de la police de la province de Kandahar.

La délégation, qui comprenait notamment deux frères du président Hamid Karzaï, participait à une cérémonie dans une mosquée en hommage aux hommes, femmes et enfants tués le 11 mars.

L’un des frères du chef de l’État, Qayum Karzaï, a déclaré avoir entendu «deux coups de feu très faibles» et a ajouté que la délégation avait ensuite quitté le village pour la ville de Kandahar.

Les talibans ont juré lundi de tuer et de décapiter les responsables du massacre de dimanche dans le district de Panjwai. Selon le président Hamid Karzaï, neuf enfants et trois femmes figurent parmi les 16 personnes tuées.

Des villageois affirment que le sergent américain s’est rendu de maison en maison avant l’aube et a tiré sur des familles endormies avant de brûler les corps de certaines de ses victimes.

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Le président américain Barack Obama s’est dit choqué et a présenté de condoléances après le massacre, mais ne prévoit pas accélérer le calendrier de retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Toutes les unités de combat étrangères doivent avoir quitté le pays d’ici la fin de 2014, date à laquelle les forces de sécurité afghanes doivent pouvoir prendre entièrement le relais.

Mardi à Washington, le président américain a ajouté que ce massacre de civils afghans était «scandaleux et inacceptable» et a promis une enquête «minutieuse» du Pentagone.

«Les États-Unis prennent cela aussi sérieusement que s’il s’agissait de nos propres citoyens, et de nos enfants, qui ont été tués. Nous ressentons un immense chagrin face à la perte de vies innocentes», a déclaré Barack Obama.

«J’ai ordonné au Pentagone de s’assurer que tous les efforts seront faits dans la conduite d’une enquête complète», a-t-il précisé. «Nous suivrons les faits où que cela nous mène et nous nous assurerons que toute personne impliquée soit tenue responsable», a-t-il ajouté.

Le secrétaire à la Défense, Leon Panetta, a affirmé que la peine de mort était une sanction possible dans cette affaire.

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L’héritage des Canadiens menacé

Le massacre de 16 civils par un soldat américain risque de détruite l’estime gagnée par les États-Unis — et de détruire également l’héritage fragile laissé par les Canadiens au cours de leur mission de combat de cinq ans à Kandahar.

Le 3e Bataillon du 21e régiment d’infanterie de l’armée américaine, basé en Alaska, a remplacé les Canadiens dans la région l’été dernier, permettant à Ottawa de mettre un terme à la mission, politiquement éprouvante.

Toutefois, l’armée canadienne peine à définir l’héritage laissé en Afghanistan, ayant quitté une guerre inachevée qui a coûté des milliards de dollars et, pendant cette période, 157 vies. Un soldat a depuis été tué à Kaboul dans le cadre de la mission d’entraînement qui a remplacé les opérations de combat.

La réputation de l’armée à Kandahar a été grandement bâtie grâce aux liens de confiance établis avec la population du Panjwaii, longtemps reconnue comme hostile aux étrangers.

Des experts de la défense affirment que même si le Canada a quitté la région depuis près d’un an, le souvenir du pays sera lié au massacre américain, qu’il le veuille ou non.

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«Pendant des années, le Canada s’est efforcé de tisser de bons liens au nom de la (Force internationale d’assistance à la sécurité) et avec les actions d’un seul soldat américain, tout cela est en danger», a estimé Walter Dorn, un professeur agréé et directeur du département de sécurité et affaires internationale au Collège des Forces canadiennes.

Des témoins ont raconté comment un soldat, chargé de la garde d’un poste avancé de l’armée américaine, s’est rendu dans les villages voisins de Balandi et de Alokozi dans le milieu de la nuit dimanche, pénétrant dans des maisons et tirant sur des habitants.

«Cela n’améliorera certainement pas notre réputation, a déclaré le major-général à la retraite Lewis MacKenzie. «Il y a beaucoup de projets, dans un secteur restreint, qui portent le drapeau canadien, autant littéralement qui physiquement.»

De son côté, le ministre de la Défense, Peter MacKay, garde espoir que les Afghans se souviendront que les occidentaux essayaient de les aider. «Je crois que ce qu’il faut surtout, c’est de la perspective», a illustré M. MacKay lundi, en entrevue avec La Presse Canadienne.

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