Le fédéral s’interpose dans le conflit à Air Canada: pas d’interruption des vols

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 09/03/2012 par Sunny Freeman et Stéphanie Marin (La Presse Canadienne)

à 15h57 HNE, le 9 mars 2012.

TORONTO – Ottawa n’a eu d’autres choix que d’intervenir dans le conflit à Air Canada parce qu’un arrêt de travail chez le plus important transporteur aérien du pays en pleine période de relâche scolaire aurait pu porter un dur coup à l’économie canadienne, a soutenu vendredi le premier ministre Stephen Harper.

De passage à l’aéroport Billy-Bishop à Toronto, M. Harper a affirmé que la situation d’Air Canada était «différente».

Le transporteur aérien est de loin le plus important au pays, et une interruption de ses activités aurait des conséquences considérables «non seulement sur les services aériens offerts aux Canadiens, mais aussi sur l’ensemble du système de transport et possiblement sur l’économie», a plaidé le premier ministre.

Les deux parties doivent trouver une façon de régler leurs différends, mais cela doit se faire sans répercussions pour la population canadienne, a-t-il déclaré.

Publicité

La ministre fédérale du Travail, Lisa Raitt, avait livré la veille un message semblable lorsqu’elle s’était interposée entre le transporteur et deux de ses syndicats.

La ministre Raitt a transmis jeudi le litige au Conseil canadien des relations industrielles, qui évaluera les impacts d’un arrêt de travail sur la santé et la sécurité des Canadiens. Elle avait eu recours à cette même stratégie pour empêcher un arrêt de travail des agents de bord du même transporteur aérien.

Son intervention est survenue alors qu’Air Canada menaçait de décréter un lock-out dès lundi pour ses pilotes, tandis que le syndicat des mécaniciens, bagagistes et agents de fret menaçaient quant à eux de déclencher une grève le même jour.

Le transfert du litige à l’organisme fédéral a pour effet d’empêcher le déclenchement d’une grève ou d’un lock-out tant et aussi longtemps que le dossier y est examiné.

Des voix se sont élevées pour protester contre cette stratégie, arguant que le gouvernement conservateur — qui avait forcé le retour au travail des agents du service à la clientèle d’Air Canada l’an dernier en adoptant une loi spéciale — pourrait faire déraper tout le système des relations de travail au pays.

Publicité

Le premier ministre a soutenu vendredi qu’une partie de lui-même refusait d’intervenir dans le conflit, mais qu’il était crucial que le transporteur maintienne ses vols, à plus forte raison pendant la relâche scolaire de la semaine prochaine.

Pendant le ralentissement économique au pays, M. Harper avait rencontré des représentants d’Air Canada qui lui avaient fait part de leurs craintes concernant la santé financière du transporteur. Ils avaient demandé l’aide du gouvernement en plaidant les dangers que représenterait une fermeture d’Air Canada pour l’économie nationale.

«Ce serait bien le comble si nous les laissions aujourd’hui mettre la clé sous la porte sans rien faire», a lancé le premier ministre vendredi.

M. Harper s’est défendu de favoriser l’une ou l’autre des parties, mais a soutenu qu’il était de son devoir de protéger l’intérêt des Canadiens, et qu’à son avis, la population s’attend à ce qu’Ottawa agisse dans ce dossier.

Jeudi, Air Canada a menacé de mettre en lock-out ses pilotes dès lundi, suite à leur rejet de la dernière offre de l’employeur. L’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale, qui représentent les mécaniciens, bagagistes et agents de fret, avait de son côté fixé à lundi le déclenchement d’une grève.

Publicité

Ces deux syndicats sont les derniers à négocier leur convention collective depuis la restructuration d’Air Canada, qui avait été menée sous la protection de la cour il y a près de dix ans.

Les employés d’Air Canada ont depuis tenté de récupérer les salaires et les concessions qu’ils avaient acceptés pour aider la compagnie à se restructurer entre avril 2003 et septembre 2004.

Arrêt de travail inacceptable

«Considérant l’état fragile de l’économie, un arrêt de travail est inacceptable», avait insisté Mme Raitt jeudi en face de la Chambre des communes. Cette phrase laisse présager qu’une loi de retour au travail pourrait être déposée si le Conseil n’impose pas un minimum de service.

Le transporteur aérien avait menacé plus tôt jeudi d’imposer un lock-out à ses pilotes à compter de lundi prochain, après avoir présenté sa «dernière et meilleure» offre aux syndiqués. L’avis de lock-out a été reçu jeudi matin par la ministre, précipitant possiblement son intervention.

Air Canada a ainsi établi une échéance de minuit et une, lundi matin, soit le même échéancier que la grève annoncée par le plus important syndicat du transporteur, qui représente celui-là ses 8600 mécaniciens, bagagistes et agents de fret.

Publicité

Le vice-président exécutif et directeur des opérations du transporteur, Duncan Dee, avait justifié son geste par communiqué, affirmant que «nous devons éliminer l’incertitude qu’occasionne le conflit de travail pour nos clients, qui déstabilise la Société et ses activités et qui ternit la marque Air Canada».

Mme Raitt s’est dit très déçue de constater que les parties présentes à la table de négociation n’aient pu trouver un terrain d’entente.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a immédiatement dénoncé l’ingérence de la ministre. Il souhaite que le gouvernement laisse les parties négocier librement.

Le député néo-démocrate Yvon Godin croit que cette intervention du gouvernement enlève le pouvoir de négociation des travailleurs, comme c’est le cas lorsqu’une loi de retour au travail est imposée.

«C’est dangereux à long terme pour la négociation des travailleurs, des travailleuses au Canada parce que maintenant les employeurs vont dire: ‘écoutez, on n’a plus besoin de négocier avec nos employés. Même on va négocier, on va négocier à la baisse et après ça le gouvernement va les légiférer à l’ouvrage, va faire notre job’», a-t-il déploré.

Publicité

À son avis, le renvoi au Conseil canadien des relations industrielles a aussi eu pour effet d’enlever aux travailleurs un moyen de pression auquel ils ont droit, celui de faire la grève. Un tel moyen de pression aurait eu un effet plus fort encore à l’aube d’une période de congé scolaire achalandée.

«Je pense que ça va à l’encontre des lois qu’on a ici au Canada parce que les travailleurs ont le droit de faire la grève et les employeurs ont le droit de faire le lock-out», a dit M. Godin.

L’opposition dénonce que cette menace de législation plane toujours sur la tête des travailleurs qui tentent de négocier.

Les pilotes d’Air Canada ont déclenché la grève pour la dernière fois en 1998, lors d’un conflit qui avait duré environ deux semaines.

La ministre Raitt surveillait de près les négociations avec les deux syndicats. Dans le passé, elle est intervenue rapidement dans les conflits de travail du plus important transporteur aérien du pays.

Publicité

La menace d’un lock-out par Air Canada est survenue un mois seulement après l’ouverture de ce qui devait être une médiation de six mois entre le transporteur et ses 3100 pilotes. Une médiation précédente, d’une durée de deux mois, n’avait pas réussi à rapprocher les parties. Les pilotes ont voté à 97 pour cent en faveur d’un mandat de grève le mois dernier.

L’offre présentée jeudi par Air Canada comprend des augmentations salariales de 2,0 pour cent pour les trois premières années, et de 3,0 pour cent pour les deux dernières. L’entente prévoit également une accélération des gains admissibles à la retraite, plus tôt pendant la carrière d’un pilote.

Tard jeudi soir, l’Association des pilotes d’Air Canada a indiqué, par voie de communiqué, qu’elle recommandait à ses membres de rejeter cette offre afin d’envoyer un message l’employeur «de devenir sérieux dans ses négociations».

Le syndicat des pilotes affirme que son dernier contrat de travail s’est traduit par un gel des salaires pendant plus de deux ans, en plus de permettre au transporteur d’économiser des centaines de millions de dollars relativement à ses obligations face au régime de retraite.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Via Rail et le transporteur aérien West Jet se sont empressés d’émettre des avis — par communiqué ou sur Twitter — pour faire part qu’ils sont prêts à accepter des passagers en grands nombres.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur