Le cri identitaire franco-ontarien en cinq romans

Causerie avec Paul-François Sylvestre et Daniel Marchildon à l’AFT

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Publié 06/03/2012 par Annik Chalifour

Dans le cadre de la programmation culturelle de l’Alliance française de Toronto, l’écrivain et critique Paul-François Sylvestre a animé une causerie intitulée «L’identité franco-ontarienne au prisme du roman historique» en compagnie du romancier et scénariste Daniel Marchildon, mercredi 29 février, dans la galerie Pierre-Léon de l’AFT.

«Nous sommes tous des auteurs de souche parce que nous partageons tous les mêmes valeurs universelles» d’affirmer Daniel Marchildon, en référant à l’ensemble des auteurs franco-ontariens, originaires d’ici et d’ailleurs, qui contribuent au bouillonnement culturel de la francophonie ontarienne.

Tout auteur francophone qui publie en Ontario, quelle que soit son identité d’origine, partage une histoire en français et prolonge notre francophonie.

La causerie a toutefois évolué autour de cinq romans historiques d’écrivains principalement d’ici présentés par Paul-Francois Sylvestre, ponctuée d’extraits lus par Daniel Marchildon.

«Pour nous replonger dans l’histoire de la lutte qu’ont menée les Franco-Ontariens en vue de préserver leur identité francophone», a expliqué Paul-François Sylvestre.

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Un combat historique difficile, livré auprès d’une masse anglophone à l’époque dépourvue de sensibilité à l’égard des Canadiens français minoritaires parlant l’autre langue.

Injustice sociale

«Lorsqu’on examine les romans franco-ontariens, on se rend vite compte qu’ils épousent toutes les formes, revêtent les aspects les plus divers, mais que tous transmettent le cri identitaire», a rappelé Paul-François Sylvestre.

La Quête d’Alexandre d’Hélène Brodeur figure en tête de liste selon le conférencier. L’histoire se passe en 1913 à Miska, village du Nord ontarien, un an après l’adoption du Règlement 17 imposé par le gouvernement conservateur Whitney interdisant le droit d’enseigner le français.

En refusant de se conformer au règlement, «…ils nous priveraient des octrois dus à toutes les écoles et ils enlèveraient à la commission scolaire le droit de percevoir légalement des taxes.»

Résistance

Sylvestre a lui aussi écrit un roman historique Obéissance ou résistance, son premier roman, où il est question du Réglement 17.

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L’histoire se déroule au début du XXe siècle à Walkerville (faisant maintenant partie de Windsor) et met en scène deux familles canadiennes-françaises fictives, les Parent «qui sont mes ancêtres maternels», a précisé Sylvestre, et les Saint-Louis.

Suite à l’adoption du Règlement 17, l’évêque de London, Mgr Fallon, a interdit aux religieuses d’enseigner le français dans les écoles francophones de son diocèse.

«Encore là fallait-il qu’Edmond Saint-Louis présentât une demande écrite pour quémander une heure par jour de français pour sa petite Clothilde. Quant aux quatre autres enfants, ils étaient soumis à un enseignement entièrement en anglais.»

Menace pour la majorité

Comme la lutte contre le Règlement 17 a duré 15 ans, de 1912 à 1927, il n’est pas étonnant de constater que cette sombre page revienne dans plusieurs romans historiques. C’est le cas dans La première guerre de Toronto, de Daniel Marchildon.

Nous sommes dans l’est de Toronto où en 1916, un jeune boxeur, Napoléon Bouvier, quitte le ring pour se joindre à l’armée. Il revient du front tourmenté, incertain de son avenir dans sa ville d’origine où règne un climat francophobe.

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Les questions se bousculent dans la tête de Corine, la blonde de Napoléon: «De quoi les Anglais ont-ils si peur? Après tout, les Italiens sont aussi nombreux que les Canadiens français à Toronto.»

«Si nous apprenons notre langue à l’école, comment cela peut-il menacer la majorité de langue anglaise? Mais ses interrogations restent sans réponse.»

Stéréotypes

Un autre roman, Doucement le Bonheur de Marquerite Andersen, traite aussi la question de l’identité franco-torontoise. À partir de faits historiques datant de 1929, l’auteure a inventé une intrigue qui mène ses deux personnages principaux au tournant des années 1950.

«…Ce sont des WASPS. Des quoi? Des WASPS. Des White Anglo-Saxon Protestants. Et alors? Elles préfèrent rester entre elles. T’as pas remarqué? Les femmes viennent chez moi, au salon, pour se faire coiffer. Dans la rue, elles ne me connaissent pas.»

«…Si l’on veut réussir dans ce pays, il faut s’exprimer en anglais. L’autre langue, la maternelle, la bien-aimée, c’est pour la vie privée.»

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Légitimité

Le romancier Doric Germain a publié en 2003 Défenses légitimes qui porte sur l’émeute syndicale la plus dramatique de toute l’histoire au Canada.

Le récit se passe en 1963 dans le milieu de l’industrie forestière du Nord-Est ontarien où 400 syndiqués de la papetière locale affrontent 20 bûcherons indépendants qui procurent des cordes de bois à la papetière à leur détriment: coups de feu, morts, procès, communauté plus divisée que jamais.

«Il aurait fallu des policiers qui parlaient français et comprenaient ce qui se passait. Mais l’Ontario de 1963 préférait les francophones en porteurs d’eau et en scieurs de bois plutôt qu’en policiers et fonctionnaires.»

«Le procès de ce conflit entre francophones serait donc conduit, débattu, jugé et tranché par des anglophones.»

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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