Sables bitumineux: le Canada menace de poursuivre l’Europe devant l’OMC

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Publié 21/02/2012 par Julian Beltrame (La Presse Canadienne)

à 09h22 HNE, le 21 février 2012.

OTTAWA – Le Canada menace de traîner l’Europe devant l’instance de régulation commerciale internationale si elle persiste à présenter les sables bitumineux comme une source de pétrole sale.

La menace est contenue dans une lettre envoyée en décembre par l’ambassadeur canadien à l’Union européenne, David Plunkett, et qui a été obtenue par le groupe environnemental les Amis de la Terre.

Dans le passé, le Canada s’est déjà plaint des efforts de l’Europe pour exclure le pétrole issu des sables bitumineux de la directive sur la qualité des carburants, qui vise à réduire les émissions entraînées par le transport de 10 pour cent.

Toutefois, le Canada n’avait pas encore explicitement menacé l’Europe de demander l’arbitrage de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les nouvelles règles européennes seront soumises au vote mardi et se retrouveront devant le Parlement européen si elles sont acceptées.

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La directive attribue une valeur d’émissions de carbone à chaque source de pétrole. La valeur des émissions du pétrole issu des sables bitumineux y est 23 pour cent plus élevé que le pétrole conventionnel, alors que celui issu de l’huile de schiste est encore plus mal coté.

Toutefois, le Canada affirme que la directive européenne semble placer les sables bitumineux dans une catégorie à part.

«Le Canada n’acceptera pas que le pétrole issu des sables bitumineux soit mis à part dans la directive sur la qualité des carburants comme une matière première différente des autres pétroles, qui sont réunis sous la même valeur», a écrit M. Plunkett à Connie Hadegaard, la commissaire européenne à l’action pour le climat.

«Je veux réitérer que le Canada étudiera toutes les avenues mises à sa disposition pour défendre ses intérêts, incluant l’OMC.»

Lors d’une conférence tenue à Calgary, la semaine dernière, le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, a indiqué que l’Europe tente de mettre «le pétrole issu des sables bitumineux dans une catégorie à part». M. Oliver a estimé que l’Europe choisit d’ignorer le haut niveau d’émissions de gaz à effet de serre émis par la production pétrolière de l’Iran ou de la Russie.

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Un porte-parole du ministre a affirmé que le Canada insistera pour que chaque décision prise par l’Europe se base sur la science et «étudiera toutes les options pour s’en assurer».

Toutefois, un porte-parole du ministre du Commerce, Ed Fast, a indiqué que de se retirer des négociations sur un accord de libre-échange avec l’Europe ne fait pas partie des options envisagées.

Le charbon beaucoup plus problématique

Par ailleurs, l’un des principaux chercheurs sur le climat a calculé que les émissions provenant des sables bitumineux de l’Alberta ne risquent pas de représenter un impact majeur en ce qui concerne le réchauffement climatique, et que la véritable menace contre la planète est la combustion de charbon.

Dans un article publié dimanche dans le prestigieux journal Nature, Andrew Weaver, un chercheur en climatologie de l’Université de Victoria, et son collègue Neil Swart ont analysé la façon dont la combustion de tous les stocks mondiaux de charbon, de pétrole et de gaz naturel auraient un impact sur les températures. Leur analyse se penche entre autres sur les gaz non-conventionnels, tels les hydrates de méthane sous-marins et les gaz de schiste produits par fracturation hydraulique, ainsi que les sources pétrolières non-conventionnelles, incluant les sables bitumineux.

Ils ont découvert que si tous les hydrocarbures des sables bitumineux étaient extraits et consumés, le dioxyde de carbone relâché ferait augmenter les températures mondiales d’environ 0,36 degré Celsius. Cela correspond à environ la moitié de la totalité du réchauffement survenu au cours du dernier siècle.

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Lorsque seules les réserves commercialement viables de pétrole des sables bitumineux sont considérées, l’augmentation de la température est seulement de 0,03 degré.

L’étude conclut toutefois que la combustion de toutes les réserves de charbon de la planète mènerait à une augmentation de température de 15 degrés. Brûler tout le gaz naturel causerait plutôt une augmentation de plus de trois degrés.

«Le pétrole conventionnel et non-conventionnel n’est pas le problème avec le réchauffement climatique, a déclaré M. Weaver. «Le problème est avec le charbon et le gaz naturel non-conventionnel.»

Selon lui, son analyse suggère que les gouvernements doivent s’inquiéter d’une dépendance accrue envers le charbon, et non les sables bitumineux. Il y a également tant de gaz naturel dans le monde que cela causera également des problèmes, même si cet hydrocarbure émet moins de carbone que le pétrole.

«On pourrait affirmer que la meilleure stratégie que l’on pourrait emprunter serait d’utiliser intelligemment nos réserves pétrolières, mais, en même temps, les utiliser d’une façon qui nous libère de notre dépendance envers le charbon et le gaz naturel, explique M. Weaver. Alors que nous devenons de plus en plus dépendants de ces réserves massives, nous risquons d’être de moins en moins en mesure de nous en passer.»

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L’analyse de M. Weaver ne compte que les émissions provenant de la combustion des hydrocarbures. Elle ne tient pas compte des gaz à effet de serre émis lors de la production de la ressource, qui serait l’équivalent de doubler ces émissions.

Selon le chercheur, le véritable message de son étude est que la planète doit commencer à limiter son utilisation des combustibles fossiles.

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