Don Drummond recommande de sabrer dans les dépenses… avec précision

L'économiste Don Drummond a travaillé pendant un an sur ce rapport dont on parlera pendant longtemps. Photo: La Presse Canadienne
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Publié 15/02/2012 par La Presse Canadienne et L'Express

à 19h42 HNE, le 15 février 2012.

TORONTO – L’Ontario ne peut plus se permettre de rembourser les médicaments prescrits à tous les citoyens âgés de 65 ans et plus, et devrait former moins de professeurs pour forcer ceux qui enseignent déjà à repousser leur retraite afin de cotiser davantage à leur régime de retraite, a soutenu Don Drummond, un ancien économiste principal de la Banque TD, dans son rapport très attendu, déposé mercredi à Queen’s Park.

La Commission de réforme des services publics de l’Ontario, présidée par M. Drummond, a remis son rapport, qui comprend 362 recommandations détaillées sur quelque 500 pages, visant à réduire les dépenses gouvernementales et éliminer un déficit de 16 milliards $.

2,5% de plus en santé, au lieu de 6,5%

De façon globale, il prévient que la province devra adopter des mesures «sans précédent» en réduisant de 16,2 pour cent ses dépenses de programmes pour chaque homme, femme et enfant. La croissance annuelle des coûts de programmes en santé devrait être de 2,5 pour cent (elles sont de 6,5% depuis huit ans), en éducation de 1,0 pour cent, en éducation postsecondaire de 1,5 pour cent, et en programmes sociaux de 0,5 pour cent. Dans tous les autres programmes, le gouvernement, selon lui, doit plutôt réduire ses dépenses de 2,4 pour cent.

M. Drummond affirme que si l’actuel gouvernement s’en tient à ses politiques pour viser le déficit zéro d’ici 2017-2018, comme il a promis de le faire, la province sera quand même à court d’environ 30 milliards $. Elle sera aussi aux prises avec une gigantesque dette publique de 411,4 milliards $, soit environ la moitié de son produit intérieur brut (PIB).

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Pour éviter les mêmes problèmes qu’en Grèce

«L’Ontario n’est pas encore confrontée à une crise financière et, si elle passe immédiatement à l’action, elle pourra l’éviter», affirme le rapport. «Les leçons tirées de l’histoire et de ce qui se passe ailleurs actuellement sont claires: le gouvernement doit agir maintenant avant que les problèmes d’aujourd’hui ne se transforment en crise demain.»

Le ratio entre la dette et le PIB de l’Ontario a plus que doublé depuis la fin des années 1980 pour atteindre 35 pour cent, ce qui place la province la plus populeuse du pays sur le même pied d’égalité que les provinces Maritimes.

Seul le Québec affiche un ratio plus élevé, soit 50 pour cent. Mais c’est exactement ce qui risque d’arriver à sa voisine si celle-ci ne se dépêche pas de balancer ses comptes, prévient Don Drummond.

Soins à domicile et dans la communauté

Les réformes au système de santé constituent le coeur du rapport. Les soins prodigués dans la communauté devraient être privilégiés afin de réduire dans la mesure du possible le nombre de gens traités dans les hôpitaux, dont les activités sont plus coûteuses, indique M. Drummond.

Il recommande aussi au gouvernement de cesser de négocier avec les médecins, par le biais de l’Association médicale de l’Ontario, quels services et procédures devraient ou non être couverts par l’assurance maladie de la province. Les médecins ontariens, qui sont les mieux payés au pays, ne devraient pas non plus s’attendre à ce qu’un gouvernement à court d’argent hausse leur salaire, soutient l’économiste.

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Quant au système d’éducation, Don Drummond estime que la province devrait tenter de réduire sa contribution à la caisse de retraite des enseignants. Actuellement, le gouvernement verse la même somme que les travailleurs. De façon générale, un professeur prend sa retraite à l’âge de 59 ans, après 26 ans d’enseignement, et empochera sa pension pendant 30 ans. M. Drummond soutient qu’il faut hausser l’âge du départ à la retraite pour empêcher que les futures prestations ne soient réduites.

Il croit aussi qu’il faudra contrôler le nombre de nouveaux professeurs formés chaque année, qui dépassent de 7600 le nombre d’enseignants qui partent à la retraite.

Pré-maternelle à temps plein et taille des classes

L’économiste juge également qu’il faudrait mettre la hache dans le programme phare du gouvernement libéral de Dalton McGuinty: celui de la prématernelle et des garderies à temps plein, qui coûtera 1,5 milliard $. Il ajoute que si Queen’s Park souhaite tout de même aller de l’avant avec ce projet, ce qu’il a déjà confirmé, il lui faudra à tout le moins repousser son implantation à 2017-2018 plutôt qu’à 2014-2015.

Ce débat concerne davantage les écoles de langue anglaise, tous les conseils scolaires francophones de l’Ontario offrant la pré-maternelle à temps plein depuis dix ans.

Une première réaction francophone, somme toute positive, est venue du vice-président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Gilles LeVasseur: «Avec le rapport Drummond, le gouvernement de l’Ontario se dote d’une approche économique rationnelle pour éliminer son déficit provincial. En tant que citoyens à part entière, les Franco-Ontariens soutiennent les efforts qui seront investis pour rééquilibrer le budget de notre province. Pour autant, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario veut rester particulièrement attentive aux décisions qui seront prises par le gouvernement concernant les services en français.»

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L’AFO tient à ce que «les piliers sur lesquels notre communauté s’est développée – l’éducation, la santé, la justice, les arts et la culture – soient préservés». La population franco-ontarienne doit continuer à avoir accès à des services de qualité, selon l’AFO, «peu importe les moyens proposés pour réformer le secteur parapublic ou réviser le budget».

Par ailleurs, la taille des classes dans les écoles primaires devrait passer de 20 à 23 élèves, plaide M. Drummond.

Plus radical que Mike Harris

Le gouvernement de Dalton McGuinty a annoncé qu’il ne retiendrait pas toutes les recommandations du président de la Commission de réforme des services publics de l’Ontario. Il a adopté certaines de ses idées avant même la publication du rapport alors que d’autres, comme celle de renoncer au programme de la prématernelle et des garderies à temps plein, ont été rejetées d’emblée.

«M. Drummond n’a pas à penser aux conséquences de cette décision ou de n’importe quelle décision, sur ce que cela implique pour l’emploi, sur ce que cela signifie pour telle communauté par rapport à une autre. Notre défi est de trouver l’équilibre», a déclaré le ministre ontarien des Finances, Dwight Duncan.

M. Duncan attendait cette étude, commandée l’an dernier, pour incorporer certaines de ses recommandations à son budget le mois prochain. «Le gouvernement est toujours déterminé à prendre les mesures nécessaires pour que les finances de l’Ontario soient viables à long terme», a-t-il dit.

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Pour sortir du gouffre financier, Queen’s Park devra tout de même appliquer des compressions encore plus radicales que celles mises en oeuvre par l’ex-premier ministre conservateur ontarien Mike Harris et pendant plus longtemps que Ralph Klein en Alberta et Roy Romanow en Saskatchewan dans les années 1990, selon le rapport.

«Je crois que les problèmes et les solutions sont plus ou moins sans précédent dans l’histoire du Canada de l’après-guerre», a affirmé Don Drummond devant les journalistes. «Cela ne fonctionnera pas si l’on se contente de retirer un peu d’argent ici et là comme ce fut souvent le cas par le passé.»

Pour lire ou télécharger le rapport Drummond à partir du site du gouvernement de l’Ontario: www.fin.gov.on.ca/fr/reformcommission

Voici des points saillants du rapport Drummond:

Santé

— le gouvernement doit appliquer l’ensemble des 362 recommandations du rapport pour réduire la croissance des dépenses de programmes, pour atteindre l’équilibre budgétaire d’ici 2017-2018;

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— la croissance des dépenses dans les soins de santé doit être limitée à 2,5 pour cent par année tous les ans d’ici 2017-18;

— accroître le recours aux soins de santé à domicile;

— la portion des frais de médicaments prescrits assumée par les aînés doit augmenter davantage en fonction de leurs revenus;

— pas de hausse dans la rémunération totale des médecins de la province, qui sont les mieux payés au Canada.

Éducation

— plafonner la croissance des dépenses pour l’éducation primaire et secondaire (excluant la formation) à 1,0 pour cent chaque année jusqu’en 2017-18, et à 1,5 pour cent pour l’éducation post-secondaire;

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— faire pression auprès d’Ottawa pour que le financement de l’éducation des Autochtones sur les réserves corresponde au financement provincial par étudiant des niveaux primaires et secondaires. Dans le cas contraire, l’Ontario devrait combler l’écart;

— annuler le programme de prématernelle à temps plein, ou retarder son instauration de 2014-2015 à 2017-2018;

— augmenter la taille moyenne des classes de 22 à 24 élèves pour la 9e à la 12e années du secondaire, de 24,5 à 26 pour la 4e à la 8e années du primaire, et de 23 plus tôt.

— refuser toute hausse de la contribution de l’État au régime de retraite Teachers;

— maintenir le cadre actuel des droits de scolarité, qui permet une hausse annuelle de 5,0 pour cent, et songer à éliminer la nouvelle remise de 30 pour cent des droits de scolarité.

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Autres mesures

— plafonner la hausse annuelle des dépenses dans les services sociaux à 0,5 pour cent d’ici 2017-18;

— réduire de 2,4 pour cent par année les dépenses dans tous les autres programmes d’ici 2017-18;

— hausser les factures d’eau pour couvrir l’ensemble des dépenses dans les services de traitement des eaux usées et de distribution de l’eau potable;

— commencer à imposer un tarif pour l’utilisation des stationnements incitatifs mis à la disposition des usagers de GO Transit;

— abolir dès que possible la Prestation ontarienne pour l’énergie propre;

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— songer à se prévaloir des services d’agents de sécurité pour assumer certaines tâches des policiers;

— négocier le transfert au gouvernement fédéral de responsabilité pour incarcérer les prisonniers condamnés à des peines dépassant six mois plutôt que deux ans;

— fermer l’un des deux casinos de Niagara Falls et l’un des deux sièges sociaux de la Société des loteries et des jeux de l’Ontario;

— suspendre le permis de conduire ou l’immatriculation pour percevoir certaines amendes, permettre que les amendes soient ajoutées à l’impôt foncier du contrevenant, et retrancher des retours d’impôts ces amendes impayées.

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