Quand l’énergie fait l’union

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 30/05/2006 par Gabriel Racle

Et l’on pourrait poursuivre avec cet axiome de la sagesse populaire, «l’union fait la force». Et de force, il en faut quand on est un petit pays, voisin du géant russe, pour faire face aux pressions qu’il exerce sur des nations autrefois membres de l’Union soviétique.

L’énergie, sous forme de pétrole et de gaz, est devenue un enjeu international et même une arme éventuelle de dissuasion, aux mains d’un puissant détenteur de ces richesses comme la Russie, deuxième producteur mondial de pétrole et premier producteur de gaz.

On se souvient qu’au début de l’année, le distributeur russe de gaz, Gazprom, avait fermé les vannes du gazoduc à destination de l’Ukraine, au motif que ce pays n’acceptait pas la forte hausse des prix décrétée par Moscou.

L’Ukraine, qui bénéficiait d’une subvention russe sous la forme de gaz vendu à moins du quart de son prix, 50 $ l’unité (1 000 m3), le voyait passer à 240 $ l’unité. Le «vol» présumé ou réel de gaz russe par l’Ukraine était un des prétextes, une revanche sur la «révolution orange» pouvait en être un autre, la Biélorussie satellite n’étant pas touchée par cette mesure.

C’est alors que l’Union européenne (UE) a pris conscience de sa dépendance à l’égard des approvisionnements russes, car 90 % du gaz russe à destination de l’Europe transite par l’Ukraine. «Nous importons un quart de notre consommation de gaz de Russie, mais nous absorbons ensemble 75 % des exportations de Gazprom», précisait-on alors à la Commission européenne.

Publicité

Sur ce fond de décor, l’importance mondiale croissante de l’énergie gazière et pétrolière, la dépendance envers la Russie avec ses risques, le désir de contrer l’hégémonie russe et, en sous-main, le soutien des États-Unis, quatre États ex-soviétiques – Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie – ont décidé de s’entendre en vue de leur intégration à l’espace européen et atlantique.

Comme l’a expliqué le président de l’Ukraine, Viktor Iouchtchenko, les quatre chefs d’État de ces pays ont jeté les bases d’un nouvel espace géopolitique axé sur la coopération énergétique, «unis par des valeurs communes, avec l’ambition d’occuper une place digne dans l’Europe unie».

Et c’est ainsi que le 22 mai dernier s’est fondée, dotée d’un statut international avec siège à Kiev (Ukraine), l’Organisation pour la démocratie et le développement, le GUAM (initiales des quatre pays). Ces pays se sont mis d’accord pour diversifier les approvisionnements en énergie et créer de nouvelles voies d’acheminement pour les hydrocarbures de la Caspienne.

L’Azerbaïdjan est un producteur de pétrole important, l’Ukraine possède des possibilités uniques de transit par ses gazoducs et oléoducs. La Géorgie sert de passage à l’oléoduc Azerbaïdjan-Turquie, un projet soutenu par Washington, qui met fin à l’hégémonie russe sur l’exportation des hydrocarbures de la Caspienne et dont la mise en charge doit se faire le 27 mai.

Une partie de ce pétrole, acheminé au port ukrainien d’Odessa, emprunterait un oléoduc existant vers Brody, à la frontière polonaise, qui serait ensuite prolongé jusqu’à la raffinerie de Lodz et au port de Gdansk, en Pologne.

Publicité

Tout ceci intervient alors que la Russie resserre son étau économique sur les pays du GUAM, en décrétant un blocus des produits agricoles moldaves, géorgiens et ukrainiens. De plus, depuis décembre 2005, la Géorgie, l’Ukraine, la Moldavie et l’Azerbaïdjan, pourtant riche en gaz et en pétrole, subissent une hausse des tarifs du gaz livré par Moscou. D’où ce front anti-Moscou, qui offre en même temps à l’UE une solution de rechange au gaz russe

Ainsi, l’énergie, en plus de sa valeur énergétique, possède une incontestable valeur politique: elle peut-être une source de puissance, une arme (et pas seulement l’énergie nucléaire qui tient actuellement la vedette avec l’Iran), un objet de convoitise (d’où des conflits), une source de jeux d’influence (révolutions des roses et orange, voir L’Express du 15 avril 2005) ou une source de rapprochement et d’union (le GUAM et l’UE, par exemple). On en comprend le prix élevé.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur