Rendez-vous intime avec Antonine Maillet à l’ONF

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Publié 22/03/2011 par Annik Chalifour

L’Office national du film du Canada et Améri Ka Productions lançaient en première mondiale, en novembre dernier, à Moncton, le documentaire attendu Antonine Maillet – Les possibles sont infinis de la réalisatrice acadienne Ginette Pellerin. Ce lancement soulignait le 30e anniversaire de l’attribution du prix Goncourt à Antonine Maillet, la célèbre écrivaine acadienne et seule lauréate canadienne de ce prix prestigieux, pour son roman Pélagie-la-Charrette. À l’occasion de la 10e édition de la Semaine de la francophonie à Toronto, l’ONF, 150 Rue John, présentait une projection gratuite du film, mardi 15 mars.

Le film de Ginette Pellerin offre un portrait sensible et inoubliable de cette grande écrivaine, une des voix les plus fortes et les plus renommées de la culture acadienne et de toute la francophonie canadienne, et rend encore plus accessibles la vie et l’œuvre de cette artiste unique, un témoignage pour les générations à venir, selon Monique Simard, directrice générale du Programme français de l’ONF.

Pour sa part, le recteur de l’Université de Moncton, Yvon Fontaine, commentait, lors du lancement en novembre dernier, que «le film met en évidence la détermination hors du commun d’Antonine Maillet qui, depuis plus de 50 ans, ne laisse pas l’Acadie dormir en paix et participe inlassablement à son édification en lui procurant une œuvre littéraire en français et en lui martelant le message d’aller au bout de ses rêves et d’être fière de son identité.»

Francophone au sens large

Antonine Maillet vivait à Montréal depuis de nombreuses années quand, en 1979, son roman Pélagie-la-Charrette a été salué par le prestigieux prix Goncourt. Bien que l’on reconnaissait l’immense talent de l’écrivaine, l’événement a causé un certain malaise au sein de l’institution littéraire québécoise.

Pierre Filion, directeur littéraire chez Leméac Éditeur, explique: «On aurait aimé, sans doute parce qu’on est québécois, que le premier Goncourt attribué à un Québécois le soit à un […] pure laine» Antonine Maillet a toujours été consciente de cette tension, mais pour elle, le prix s’adressait «au Canada, par le biais de l’Acadie, ainsi qu’à toute la francophonie d’Amérique du Nord».

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Montrant une discipline de fer, un dynamisme, une assurance et une lucidité face à sa vie et à son œuvre, l’écrivaine au regard bleu vif se livre dans ce documentaire comme jamais elle ne l’a fait auparavant. Elle sait trouver les mots justes lorsqu’il est question de sa carrière, de ses émotions et de l’acte d’écrire qui la passionne toujours autant.

Avènement de La Sagouine

Lorsqu’en 1968, Antonine Maillet écrit Les Crasseux, elle enseigne au Collège Notre-Dame d’Acadie en tant que religieuse. Pour Marie-Linda Lord, alors titulaire de la Chaire de recherche en études acadiennes à l’Université de Moncton, le fait de rédiger cette pièce de théâtre en langue populaire constitue une transgression de la norme linguistique, mais aussi des règles de bonne conduite du couvent.

De ce point de vue, Les Crasseux – texte qui est d’ailleurs paru juste un peu avant Les Belles-sœurs de Michel Tremblay – a permis à Antonine Maillet de se libérer en tant qu’artiste.

Rendant hommage à celles qu’elle appelle affectueusement Les Dames du théâtre du Rideau Vert, Antonine Maillet raconte comment elle a réussi son entrée littéraire à Montréal avec la pièce La Sagouine. Elle-même et Viola Léger, devenue la célèbre interprète de la Sagouine, étaient à l’époque presque inconnues du public. Radio-Canada et d’autres théâtres avaient refusé le long monologue sous prétexte que le texte était incompréhensible.

Mais Mercedes Palomino et Yvette Brind’Amour, les fondatrices du Rideau Vert, ont cru que l’arrivée d’Antonine Maillet apportait l’Acadie à Montréal et elles ont pris le risque énorme de mettre La Sagouine à leur programme. Le succès de la pièce leur a donné raison.

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Lieux identitaires

Le thème central de l’oeuvre d’Antonine Maillet évolue irrévocablement autour de la quête de l’identité; l’écrivaine elle-même se définit à partir d’une double appartenance artistique et littéraire: «J’ai deux vies!», affirme-t-elle. «Je suis romancière et dramaturge.»

Le film de Ginette Pellerin entremêle confidences, lectures d’extraits et entrevues avec des éditeurs, des professeurs, des journalistes et des comédiens, tout en invitant le spectateur à visiter, au bras de l’écrivaine, les lieux marquants de sa vie.

L’auditorium du Collège Notre-Dame d’Acadie, où elle enseigna et fit ses débuts littéraires; le studio de Radio-Canada à Moncton, où elle fit elle-même la lecture des premiers monologues de La Sagouine; la scène du théâtre du Rideau-Vert à Montréal, où la pièce fut jouée pour la première fois en 1972; le grenier de sa maison montréalaise où elle écrit; la très longue dune de sable de Bouctouche, où elle aime se promener; le Pays de La Sagouine, centre récréotouristique dérivé de son univers littéraire: autant d’endroits qui gardent du passage d’Antonine Maillet les traces de son histoire, à la fois instructive et touchante.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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