«Permettez-moi de vous donner deux exemples des problèmes pratiques de la complaisance dont la Cour fédérale a fait preuve dans divers appels et révisions… des problèmes comme celui-ci sont trop souvent créés par des juges qui se permettent de réviser sans ménagements les décisions prises par les décideurs quasi judiciaires spécialisés qui sont expressément chargés de rendre ce genre de décisions dans notre système… Les tribunaux créent aussi un problème lorsqu’ils infligent des peines criminelles pour déjouer le système canadien de l’immigration… Ce qui irrite les Canadiens, ce sont les affaires dans lesquelles, vraisemblablement sur un coup de tête ou peut-être inspiré par une magnanimité déplacée, un juge infirme les décisions que des fonctionnaires spécialisés, des tribunaux administratifs ou même d’autres juges ont soigneusement élaborées. Je crois que la plupart des Canadiens et des Canadiennes partagent mes préoccupations en ce qui concerne ces décisions… Elles minent par ailleurs la confiance du public envers la capacité du gouvernement à faire respecter les lois adoptées par le Parlement et, par conséquent, envers tout le système… Il est nécessaire que les tribunaux comprennent l’esprit de ce que nous tentons de faire.»
C’est en ces termes que, lors d’une allocution prononcée le 11 février 2011 à la Faculté de droit de l’Université Western Ontario, à London, Jason Kenney, le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme, a ouvertement critiqué les juges qui interprètent les lois d’une façon qui ne coïncide pas avec le programme politique du gouvernement.
Selon l’Association du Barreau canadien (ABC), les critiques injustes du ministre portent atteinte à notre démocratie et à nos libertés et contribuent à effriter la confiance du public et à affaiblir l’administration de la justice.
Dans une lettre envoyée le 22 février 2011 au ministre, le président de l’ABC, Rod Snow, écrit:
«Puisque les juges n’ont pas le droit de répondre à des critiques dans l’arène publique, votre invitation ouverte à la Cour fédérale de s’engager dans un dialogue constructif se veut soit naïve, soit trompeuse. Je crains que vos propos n’aient été partisans et injustes, étant donné que les membres de la magistrature ne peuvent y répondre.»