L’OTAN est-elle toujours utile?

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Publié 09/11/2010 par Vincent Muller

«Il y a 16 conflits majeurs dans le monde. Ce sont des conflits à l’intérieur des états et non entre états», rappelle le Torontois James Appathurai, porte-parole de l’OTAN depuis 2004. Lors d’une conférence sur la sécurité transatlantique au Collège Glendon jeudi dernier, il évoquait l’avenir de la sécurité transatlantique et les orientations futures de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord).

La Guerre froide étant terminée et la plupart des conflits n’étant plus interétatiques, mais intraétatiques, certains pourraient s’interroger sur l’utilité de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord dans un tel contexte. Ces questions, l’OTAN se les pose également. Elle redéfinit son rôle et ses orientations pour répondre à de nouvelles menaces.

Nouvelles menaces

«La menace d’une attaque majeure n’est plus là, mais ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas se préparer à la défense contre des attaques conventionnelles», explique James Appathurai, qui évoque les colis piégés découverts dernièrement au Yémen, pour illustrer le problème que posent les états faibles ou en faillite.

«Le Yémen est un cas évident, l’Afghanistan est le cas le plus évident», continue-t-il à propos du développement du terrorisme international dans ce type d’état.

Bien qu’il ne s’agisse pas du rôle initial de l’OTAN, James Appathurai essaye de prouver que l’organisation possède les moyens de lutter contre les nouvelles menaces et qu’il serait dommage de s’en passer.

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Selon l’OTAN, qu’il représente, tous ces états en faillites sont une menace pour la sécurité en Europe et en Amérique du Nord. Et ces problèmes, il les évoque un à un en commençant par le trafic de drogue, facilité par les états faibles, citant entre autres l’héroïne provenant d’Afghanistan en Europe.

Il continue avec la prolifération des missiles: «30 pays développent la technologie pour le missile balistique qui pourrait toucher l’Amérique du Nord».

Puis le terrorisme, avec les récentes alertes à Paris et Londres et la possibilité d’attaques «type Mumbai», les cyber-attaques: «Elles sont fréquentes, organisées il y a des millions d’attaques chaque jour sur les gouvernements, il peut y avoir comme conséquences la fermeture du trafic aérien, de services du gouvernement, des systèmes de distribution de billets, c’est arrivé en Estonie il y a 3 ans et ça a touché le système de santé et notamment les banques où on ne pouvait plus faire de retrait. Ça peut être n’importe qui, c’est difficile de savoir d’où ça vient.»

Mais ce n’est pas tout. Selon le porte-parole de l’OTAN, les réseaux de transport d’énergie peuvent également être la cible d’attaques et avoir de graves conséquences: «les réseaux pour nourrir la demande sont de plus en plus internationaux, beaucoup transitent par la mer». 

Des ressources comme l’eau peuvent aussi devenir source de conflit. Pour lui, il est clair que la réponse doit venir de la société civile, mais que l’OTAN a également un rôle important à jouer.

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Le nerf de la guerre

En plus du fait que l’OTAN doit combattre des menaces d’un nouveau type, la crise financière risque de compliquer les choses.

Selon James Appathurai, «elle a un vrai impact sur la défense. C’est souvent le budget le plus important d’un gouvernement national. Donc les coupures sont aussi importantes. Les États-Unis n’ont pas fait de coupures et avec le nouveau Congrès il n’y en aura sûrement pas». Mais il souligne que «l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont fait des coupures, et le risque est de créer des déséquilibres entre les États-Unis et l’Europe».

«Les États-Unis investissent déjà trois fois plus par soldat que l’Europe et cinq fois plus pour le développement des technologies. Si le déséquilibre devient trop important, cela va créer des problèmes pour travailler ensemble. Ça peut créer des tensions politiques; le Congrès américain critique déjà la façon de faire de l’Europe», continue-t-il.

Ces coupures pourraient poser des problèmes pour contribuer aux opérations de défense de la paix, ayant pour conséquence l’aggravation de certains conflits et des répercussions dans d’autres pays. Pour l’OTAN, la solution est d’aller vers plus de coopérations avec différents pays et surtout de ne pas céder à la tentation de renationaliser la défense, ce qui peut être vu comme une solution en temps de crise pour protéger son marché et ses ressources.

«Il faut reconnaître ce qu’est la relation transatlantique. C’est une communauté de valeurs, de pays qui pensent un peu de la même façon; il y a très peu de différences dans les valeurs. Même avec la crise économique, il y a une incroyable capacité militaire. Il faut maintenir les partenariats, on a intérêt à maintenir la paix et on a la même perspective sur la façon de faire», lance-t-il, admettant «faire un peu de publicité pour l’OTAN».

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Et l’ONU?

Et l’Organisation des Nations Unies dans tout ça? N’est-ce pas son rôle de veiller à la paix et à la sécurité dans le monde?

Bien entendu, James Appathurai, en bon communicateur, ne dira pas le contraire et explique que l’OTAN reconnaît l’ONU comme premier responsable de cette mission. Il répond à la question avant qu’on ne la lui pose: pour l’OTAN, le premier responsable de la paix (l’ONU) n’est pas forcément celui qui a le plus de capacités.

«Entre l’OTAN et les Nations Unies, la relation est distante, suspicieuse», ajoute-t-il. «Leur discours c’est: on fait la paix, vous faites la guerre…»

Par ailleurs, l’OTAN ne sait pas vraiment comment travailler avec les ONG. James Appathurai souligne qu’elles ne veulent pas être vues avec les soldats, estimant, avec raison, que cela les met en situation de risques.

Si la question du travail sur le terrain avec des civils est loin d’être résolue, l’OTAN semble se réjouir de nouveaux partenariats, comme avec la Russie pour combattre la menace terroriste sur l’Europe et le partenariat avec de nombreux pays, dont le Brésil, l’Inde, le Japon, pour la protection des bateaux contre les pirates au large des côtes somaliennes.

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Comme on le comprend, l’OTAN est dans une phase de transition. Reste à voir si elle réussira à être perçue par les Nations Unies et par les ONG comme une organisation qui ne protège pas uniquement les intérêts de ses pays membres.

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