Résistants américains à la guerre en Irak: le combat continue

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Publié 05/10/2010 par Vincent Muller

«C’est extrêmement décourageant de voir que le vote n’est pas passé pour seulement sept voix», déplorait Michelle Robidoux, porte-parole de la Campagne d’appui aux résistants de guerre. L’association, qui vient en aide aux membres de l’armée américaine venus se réfugier au Canada pour éviter d’être déployés en Irak, espérait voir passer en deuxième lecture, mercredi dernier, la Loi C-440 qui devait leur permettre de rester.

Fin juillet, L’Express évoquait la situation de Jeremy Hinzman, l’un des citoyens américains venus se réfugier au Canada pour ne pas être déployés en Irak. Celui-ci comptait énormément sur le passage de cette loi pour pouvoir obtenir la résidence permanente.

La Loi C-440, introduite par le député libéral Gerard Kennedy, avait déjà eu le support de la Chambre des Communes qui avait voté deux motions, en 2008 et 2009, contre l’expulsion de ces militaires considérés par certains comme des résistants et par d’autres comme des déserteurs. Bien qu’une motion ne soit que l’expression d’un avis des députés sur la question et non pas une loi, cela avait tout de même nourri les espoirs des défenseurs de la cause.

Michelle Robidoux, comme tous les membres de la Campagne d’appui aux résistants de guerre, était certaine que la Loi C-440 serait approuvée en deuxième lecture. Malgré la déception, elle tente de trouver des points positifs: «On a quand même reçu beaucoup d’appui des membres de l’opposition».

Si cela avait été le cas, la loi aurait ensuite été étudiée au sein d’un comité parlementaire qui aurait émis des recommandations avant qu’elle soit soumise au 3e vote, puis au sénat.

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Michelle Robidoux admet qu’il est difficile de mettre en place une loi pour ce cas spécifique: «Il y a le problème de l’envergure de la Loi C-440, elle doit concerner les objecteurs de conscience qui refusent d’aller combattre pour une guerre non validée par les Nations-Unies, c’est très large comme catégorie alors qu’au final on parle des soldats américains qui sont au Canada».

Cependant, bien qu’elle comprenne la complexité de la mise en place d’une telle loi, le projet a été avorté bien trop tôt à son goût: «Si c’était passé il y avait toujours la possibilité d’apporter des changements, le projet aurait été étudié par le comité sur l’immigration et le statut de réfugié».

Division chez les libéraux

Sans grande surprise, tous les députés conservateurs on voté contre, ceux du NPD et du Bloc québécois ont voté pour. C’est du côté des libéraux que les choses sont plus compliquées: 57 d’entre eux ont appuyé le projet de loi, un a voté contre et 17 autres, dont le leader du parti Michael Ignatieff, ne se sont pas présentés.

Olivia Chow, critique en immigration du NPD, est elle aussi surprise que la Loi C-440 ne soit pas passée et rappelle le vote positif pour les deux motions de la chambre des communes. Pour elle, les libéraux sont les seuls responsables de l’échec: «Les députés NPD ont tous voté oui et les 36 étaient présents. C’est vraiment triste que ce ne soit pas passé, c’est à cause des libéraux. Michael Ignatieff ne soutient pas les résistants de guerre, il était là juste avant pour le vote à propos du formulaire long du recensement et il a disparu après. Ils auraient pu amender la loi au comité, ils ne l’ont même pas envoyée au comité. Les leaders libéraux n’ont pas montré l’exemple: Judy Sgro et Joe Volpe, anciens ministres de l’Immigration ne sont pas venus. »

Gerard Kennedy, le député libéral à l’origine de la Loi C-440, n’a pas donné de commentaires.

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Entre les mains de Jason Kenney

«Maintenant il n’y a plus de possibilité d’introduire un projet de loi sur la question, ça veut dire que c’est entre les mains de M. Kenney, le ministre de l’Immigration. Et il a dit que les résistants sont possiblement des criminels donc que tous ces cas doivent être envoyés au bureau central de l’immigration», explique Michelle Robidoux.

«C’est une déclaration qui montre la partialité alors qu’il doit être impartial. D’ailleurs, Peter Showler, l’ancien président de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié au Canada, a publié un article dans la revue Embassy à Ottawa, sur l’ingérence du ministre de l’Immigration. C’est une réplique assez pointue qui demande de retirer le bulletin opérationnel que Jason Kenney a émis», continue la porte-parole de la Campagne d’appui aux résistants de guerre.

«Le gouvernement Harper a une opposition assez profonde. Ils ont même éliminé la page sur le site de C.I.C qui parle des résistants américains à la guerre du Vietnam qui s’étaient réfugiés au Canada».
Jeremy Hinzman peut présenter une nouvelle demande
La Cour d’appel fédéral avait considéré que l’agent d’immigration responsable du dossier de Jeremy Hinzman n’avait pas pris en compte ses convictions et en conséquence avait rejeté la décision d’expulsion.

«Le ministère de l’Immigration pouvait faire appel de cette décision, mais la limite pour faire appel a été dépassée, ça veut dire que la décision de la Cour d’appel fédérale est en vigueur et que Jeremy Hinzman peut présenter une nouvelle demande devant un agent de l’immigration», explique Michelle Robidoux. «Le principe de la cour d’appel fédérale s’applique pour les autres cas», continue-t-elle.


Plus facile de quitter l’armée au Canada

Parmi les causes qui pourraient justifier l’échec d’une telle loi, on peut imaginer la crainte que ceci donne des idées à certains soldats canadiens. Mais ceci paraît impossible à Michelle Robidoux: «Au Canada les militaires peuvent demander une réaffectation ou une libération. C’est arrivé plusieurs fois, si l’objection à la participation au déploiement est sérieuse et bien fondée, l’armée a un processus qui permet de s’en défaire. Il y a beaucoup moins de demandes d’objection de conscience, donc cette loi n’aurait influencé en rien l’armée canadienne».

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Selon elle, c’est beaucoup plus compliqué aux États-Unis: «Il y a des amendements particuliers dans les contrats des militaires américains. Au bout de quatre ans, le contrat est terminé, mais ils peuvent être rappelés pour 18 mois et être redéployés. Il y en a beaucoup qui ne connaissent pas l’existence de cette politique, c’est un contrat de 40 pages et c’est écrit en tout petit. C’est une procédure qui s’appelle le stop-loss et qui sert à empêcher la perte des effectifs».

Elle rappelle également que chaque cas est différent donnant quelques exemples: «Il y a les gardes nationaux qui ne sont pas censés être déployés, ceux qui demandent le statut d’objecteur de conscience, ceux qui entrent dans le cadre du stop-loss…»

Les membres de la Campagne d’appui aux résistants continueront leurs activités de soutien en attendant la prochaine élection après laquelle une autre loi sur la même question pourra à nouveau être introduite.

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