L’Alberta veut nous imposer sa vision des droits linguistiques

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Publié 22/06/2010 par Gérard Lévesque

Le projet de loi C-232, présentement débattu en 2e lecture au Sénat du Canada, vise à faire en sorte que, dorénavant, les éventuels candidats à une nomination à l’un des neuf postes de juges de la Cour suprême du Canada comprennent à la fois le français et l’anglais sans l’aide d’un interprète. S’indignant de constater qu’un nombre important de parlementaires fédéraux veulent ainsi rehausser les critères de compétence requis pour une nomination à la Cour suprême, la ministre de la Justice de l’Alberta s’est aventurée dans une campagne nationale de désinformation où elle tente d’imposer aux parlementaires fédéraux sa vision minimaliste des droits linguistiques.

Je vous invite à prendre connaissance, au lien Internet suivant:http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=2137985599&voir=centre_detail&Id=3883 de la lettre que la ministre Alison Redford a envoyée le 3 juin dernier aux chefs des partis de l’Opposition, à la Chambre des communes.

Vous constaterez que, dès le début de sa lettre, la ministre y décrit le projet de loi d’une façon tendancieuse en prétendant qu’il visait «at making fluency in French a requirement for serving on the Supreme Court of Canada» alors qu’il est évident que le projet vise la compréhension dans l’une et l’autre langue officielle.

Je présume que, dans le cadre des célébrations de la Saint-Jean-Baptiste, Michael Ignatieff, Gilles Duceppe et Jack Layton vont rendre publique à tour de rôle leur réponse à la ministre Redford.

Et, coïncidence!, le 24 juin, à Calgary, la Cour provinciale de l’Alberta entendra une 4e et probablement dernière journée de plaidoiries d’une cause destinée à clarifier le droit d’employer le français ou l’anglais devant les tribunaux albertains.

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Ce dossier porte sur le même sujet que celui soulevé dans la lettre de la ministre. La Couronne soutient que, dans les instances ayant trait aux lois de la circulation routière, un citoyen n’a pas le droit d’être compris en français; qu’il a seulement le droit de parler en français et d’avoir un interprète; et qu’il en est de même pour une instance visant à clarifier les droits linguistiques.

Parmi les documents déposés pour considération par le tribunal, on y trouve la transcription d’une audience tenue le 11 décembre 2008 dans le dossier numéro N31556081367815W1 de la Cour provinciale de l’Alberta.

Il s’agissait là de débattre si une prochaine audience au sujet d’une requête de supervision d’un enfant peut être entendue en français compte tenu, notamment, du fait que tant la mère que le père de l’enfant sont de langue française et, aussi qu’ils sont représentés par des conseillers juridiques de langue française.

À trois reprises durant l’audience, madame la juge Lynn Cook-Stanhope parle en français mais ses propos prononcés dans cette langue ne sont pas transcrits. Les trois fois, l’explication de cette omission est inscrite entre parenthèses de la façon suivante: (FOREIGN LANGUAGE SPOKEN).

Lors d’une audience subséquente dans le même dossier, soit le 18 décembre 2008, l’extrait suivant de la position du représentant de Justice Alberta mérite d’être cité: «The Legislature dealt with that issue by enacting the Languages Act. The Languages Act is quite clear that you are not entitled to… it is not a right to a hearing in French. You have a right to a hearing in English…we’re saying that French should be no different than if people were here speaking any other language, asking that the proceedings be in any other language. This Court wouldn’t say, well we’ll do it in that language then because we happen to have a judge who speaks that language…So French, after the Languages Act, French has been treated like any other language. No more rights are accorded or afforded someone who wants to speak French in this matter in this Court than someone who wants to speak any other language».

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Pensez-vous qu’à la suite de ce plaidoyer, la ministre Redford a signalé à son fonctionnaire qu’une telle position ne correspond pas à la jurisprudence bien établie de la Cour suprême du Canada en matière de droits linguistiques, y compris au principe constitutionnel de protection des minorités?

Pas du tout! La ministre s’est plutôt empressée d’élever à la magistrature provinciale cet avocat de la Couronne.

La ministre Redford est-elle vraiment une ministre de la justice? À mon avis, en ce qui a trait aux droits linguistiques, elle démontre qu’elle est plutôt la ministre de l’injustice de l’Alberta.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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