Les matins fous

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Publié 29/03/2010 par Nathalie Prézeau

Il y a quelques semaines paraissait dans le Globe and Mail un article sur les matins d’enfer. Les scénarios vécus par la famille de quatre enfants qu’on y décrivait présentaient évidemment des cas extrêmes (de brossage de dents à l’arrêt d’autobus, de cheveux qui n’ont jamais vu une brosse, de gamins couchant dans leurs vêtements d’école pour sauver du temps). C’est drôle et divertissant à lire. À moins que ça ne soit franchement inconfortable parce qu’on s’y reconnait un peu trop! Dans de nombreuses familles, plus de six mois après le début de l’année scolaire, c’est toujours pas réglé cette histoire des matins stressants.

Comment ça se passe dans les autres familles?

J’ai interrogé une directrice d’école pour avoir une idée du nombre de retards qu’elle a observé tout au long de sa carrière de 25 ans au sein des écoles élémentaires de Toronto. «Pour une école de quartier de 400 élèves, on peut normalement s’attendre à une vingtaine de retardataires chroniques, affirme-t-elle, dont la moitié au niveau préscolaire.» Les parents de jeunes enfants tentent de s’ajuster à cette nouvelle phase dans leur vie familiale.

Pour un élève officiellement en retard, combien arrivent tout juste pour la cloche, après un départ précipité et chaotique de la maison? Les anecdotes de mères « barbouillées » pour le reste de la journée d’avoir trop crié le matin fusent de toute part et laissent croire que les vingt retardataires sur 400 ne sont que la tête de l’iceberg. «J’ai p’u de bas propres!» «Où as-tu mis tes mitaines?» «Pourquoi ne m’as-tu pas dis hier qu’il fallait signer ça!» Ah, les petites phrases du rituel matinal… Ça nous arrive à tous, n’est-ce pas?

Plus il y a d’enfants, plus c’est l’enfer?

On serait porté à croire que c’est mathématique: plus on a d’enfants, plus c’est l’enfer le matin. Et bien pas nécessairement. J’ai interviewé une mère au travail ayant quatre enfants, qui affirme que les matins se passent dans une harmonie relative chez elle. Elle attribue son succès à trois problèmes spécifiques qu’elle a choisi de régler dès qu’elle a compris qu’ils étaient la source majeure de leur stress matinal:
• les vêtements: choisis et étalés la veille, incluant ceux de la mère!
• les sacs d’école: remplis la veille après les devoirs (une bonne occasion de trouver les feuilles à signer) et placés près de la porte d’entrée
• les déjeuners: la cuisine réarrangée pour que les aliments et la vaisselle soient facilement accessibles par les petits

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Voici d’autres trucs utiles adoptés par des parents «qui sont passés par là».
• les cadrans: leur faire choisir un cadran au magasin et leur montrer comment l’utiliser
(s’ils ne se réveillent pas malgré le cadran qui sonne, leur expliquer qu’il faudra désormais les envoyer se coucher 15 minutes plus tôt)
• la télé: ne l’ouvrir que lorsque tout le reste est fait, déjeuner, vêtements (incluant les petits bas!), brossage de dent, etc. Personnellement, quand il leur restait du temps, j’ai choisi de laisser mes enfants regarder des DVDs plutôt que des émissions télévisées. Ça m’évitait d’avoir à endurer les personnages criards de la majorité des programmes pour enfants, mais surtout, ça réduisait la frustration pour eux d’avoir à interrompre l’écoute au milieu d’une émission (le DVD étant là au retour de l’école pour reprendre où ils avaient laissé).

La pratique avec feedback, c’est pratico-pratique!

Les articles résumant les propos d’experts en famille sont plus souvent source de frustration qu’utiles. Je lisais récemment qu’une experte de Toronto affirmait qu’il fallait responsabiliser les enfants. C’est bien beau, mais comment y arriver? Elle racontait que dès que ses enfants ont été assez grands pour s’habiller seuls, elle les attendait dans la voiture avec un livre. L’idée étant qu’ils étaient responsables d’arriver à l’heure. Résultat? Plus de 70 retards dans l’année pour son enfant quand il était en 2e…

La solution de la mère de quatre enfants aux matins sans problèmes me parlait drôlement plus. C’est une question de pratique, ils ont besoin d’entraînement pour apprendre à s’habiller plus rapidement. «Mais attention, on ne fait pas ce genre de pratique un jour d’école, nous prévient-elle, on fait ça le weekend en allant au parc par exemple. Chronomètre en main, comme une course, en essayant de battre son propre record du temps requis pour enfiler l’habit de neige. Les petits adorent ça!»

Dans le même esprit, cette mère a habitué ses enfants à préparer leur propre lunch, en les faisant pratiquer durant l’été, lorsqu’ils se préparaient pour les camps d’été. «Un contexte moins stressant que durant l’année scolaire. Je leur demandais ce qu’ils voulaient comme lunch, je fournissais les aliments, je les guidais au début. Et voilà! Quand septembre est venu, ils ont simplement continué.»

Un peu de recul

La majorité des parents qui ont la situation en main le matin y sont arrivés en prenant du recul dès que les choses ne vont pas. «Il faut essayer de comprendre ce qui cloche; être attentif à ce qui fonctionne pour le répéter», me disait un jeune père impliqué. Dans les faits, «respirer par le nez» pour garder son calme ne suffit pas. La source du problème de logistique ne va pas s’envoler. Le lendemain, la même situation se reproduira.

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Planifier quoi que ce soit la veille pour alléger les matins est difficile quand on a sa journée dans le corps, mais encore une fois, prendre du recul est d’une grande aide. L’effort de se lever pour aider les enfants à choisir leurs vêtements avant l’heure du coucher est-il comparable à celui de vivre toute une journée avec le sentiment de culpabilité d’avoir trop crié après eux pour faire «accélérer» les choses le lendemain matin? L’effort de jouer la «police du cadran» auprès de jeunes enfants se compare-t-il à celui du stress de savoir que notre jeune universitaire en résidence est incapable de se réveiller pour aller aux cours (payés à grand prix)?

Le perfectionnisme nuirait?

Une experte en recherche sur la motivation souvent mentionnée est la psychologue Carol Dweck de l’Université Stanford. Son livre Mindset n’est pas encore traduit en français mais un article de Guy Kawasaki (L’effet de l’effort) résume quelques résultats de recherche les plus importants à considérer pour les parents. À force de complimenter nos enfants sur leur intelligence et autre talent (façon de faire très à la mode depuis que notre société met une grande emphase sur le développement de l’estime de soi), on renforce le message que ces habiletés sont innées, figées. Résultat: l’enfant comprend qu’il doit réussir du premier coup (sinon, il confirmerait qu’il n’a pas cette intelligence innée) et que la perfection devrait lui venir facilement (y’a que ceux qui sont moins intelligents qui doivent travailler).

Comment identifier qu’on renforce cette croyance auprès de nos enfants? En se demandant si nos compliments portent sur le résultat ou sur le processus. Lorsqu’on complimente (avec sincérité) un enfant sur son processus pour arriver à un résultat donné (par exemple l’obtention d’un A dans un examen), on renforce le comportement qui a mené au résultat. Il y a tout un monde entre le parent qui s’exclame: «T’as eu A? Mais que tu es intelligent!» et celui qui remarque: «Félicitations! Tu sembles avoir trouvé la bonne façon d’étudier pour ce genre d’examen!» C’est la différence entre le développement d’un état d’esprit figé et celui d’une mentalité de croissance personnelle.

(Cet article sert de complément à ma chronique Famille diffusée sur les ondes de TFO dans le cadre de l’émission d’actualité Panorama du 22 mars dernier. Pour en savoir plus sur le guide Toronto Fun Places, 4th édition, cliquez ici. Pour consulter les blogues en archives, consultez On arrive-tu?)

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