Entretien avec Joe Pantalone, candidat à la mairie

Une municipalité trop transparente?

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Publié 23/03/2010 par Vincent Muller

«C’est parce qu’on est très ouverts que les gens pensent que quelque chose ne va pas», expliquait Joe Pantalone à propos du budget de la ville de Toronto. Le candidat aux élections municipales est le seul des cinq candidats à ne pas avoir critiqué l’annonce du maire David Miller, il y a deux semaines, concernant un surplus budgétaire de 104.8 millions $ plus élevé que les estimations du mois de février. En entretien avec L’Express dans son bureau de maire adjoint à l’Hôtel de Ville, il revient sur plusieurs des enjeux de cette campagne.

L’Express: Avec 821 millions $ de déficit annoncés mi-2009, puis un surplus estimé d’abord à 90 millions $ en octobre puis a 290 millions $ en février avant la dernière annonce de David Miller, comment qualifieriez la façon dont est géré le budget de la ville?

Joe Pantalone: On a un budget de 9.2 milliards $ cette année, plus important que l’année dernière. Tout repose sur des prévisions. N’importe quelle entreprise vous dira qu’avoir une variation de 1% est raisonnable, il faut prendre en considération qu’on gère des milliards et que ce sont juste des prévisions. Les gens qui connaissent l’Hôtel de Ville et le gouvernement savent ça.

Q: Pourtant un économiste de l’Université de Toronto, spécialiste en économie urbaine, disait, la semaine dernière, que cela reflète une certaine incompétence dans la gestion du budget.

R: Le budget est un processus très transparent, le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial ne sont pas aussi transparents, ils ne font pas des discussions pendant 5 mois, ils font une annonce quand tout le processus est terminé. C’est parce qu’on est très ouverts que les gens pensent que quelque chose ne va pas.

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Q: Que diriez vous à ceux qui considèrent que le budget augmente, comme les taxes de propriété ou les tarifs de la TTC, et que l’amélioration des services fournis par la ville ne suit pas?

R: D’après l’institut Fraser, qui est conservateur, seulement 5,6% des taxes prélevées à Toronto reviennent à la ville, ce n’est pas assez pour gérer tous les services que Toronto est supposée gérer. 
566 millions $ viennent des contribuables pour des services qui devraient être des responsabilités provinciales ou fédérales, mais que la ville prend en charge, comme par exemple les aides sociales ou les transports. Sous les gouvernements de Bill Davis, de David Paterson ou de Bob Rae, les transports étaient financés à 50%.

Il faudrait s’assurer que le fédéral et le provincial aient une politique de transport en commun viable. Je veux mettre ce point en évidence, mobiliser les Torontois pour ça.

Q: Il y a quand même des aides, pour la construction de nouvelles lignes de tramway par exemple…

R: Oui, quand on va les supplier, parfois ils nous donnent quelque chose…

Q: La privatisation des transports en commun, comme le souhaitent certains candidats, est-elle une solution envisageable selon vous?

R: Il faut gérer le système de transports en commun de manière à ce que cela profite à tout le monde et non pas dans le but de faire de l’argent. Les infrastructures sont un bénéfice pour tout le monde, si on les privatise elles seront juste vues comme un produit.

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Q: Et que pensez-vous de ceux qui estiment que les problèmes de la TTC sont dus au fait qu’elle soit gérée uniquement par des politiciens?

R:Je suis d’accord qu’il faudrait y introduire des professionnels, par exemple qu’un tiers de la commission, donc trois membres, soit composé de citoyens professionnels et non d’élus. Il faudrait par exemple un professionnel en construction, un professionnel dans les relations avec les employés et les usagers, et un expert des transports.

Q: Donc dans un sens vous reconnaissez que quelque chose ne va pas dans la gestion de la TTC?

R: Si vous voulez dire que les choses pourraient aller mieux, oui. Avant, les employés de la TTC étaient aussi bien considérés que les pompiers, la police ou les urgences. Les choses se sont détériorées. Le défi c’est de restaurer cet héritage.

Q: Que pensez-vous de l’idée de Sarah Thomson qui envisage de rendre la DVP et la Gardiner payantes pour financer la construction de nouvelles lignes de métro? Est-ce que vous pensez qu’il serait possible de construire ces lignes?

R: Moi aussi je préfère le métro au tramway, mais pour le prix de 10 km de tramway on fait seulement 1 km de métro. Ceux qui parlent de métro je leur demande est-ce que vous avez l’argent et quelle ligne vous n’allez pas construire? Le péage c’est une réponse simple à un problème compliqué.

L’emploi n’augmente pas au centre-ville, il augmente dans le 905, si on ajoute 5$ par jour au trajet des gens qui viennent travailler au centre-ville ça n’aidera pas à créer des emplois, ni des revenus pour la ville. Il faut encourager le développement du centre-ville et rendre l’autoroute payante aurait des conséquences néfastes sur les emplois et la culture.

En plus, des projets de route payante ça ne peut être fait que sur une base régionale, ce n’est pas possible de le faire juste sur une petite partie. Ce n’est que la province et Metrolinx qui peuvent mettre ça en place.

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Q: Le budget sera dorénavant planifié sur deux ans, pensez-vous que l’on puisse faire une planification sur une période plus longue?

R: Il faudrait évoluer sur une planification sur plusieurs années, mais le problème c’est qu’on ne sait pas à l’avance ce qu’on va recevoir pour le développement des infrastructures et qu’il n’y a pas de corrélation entre les services qu’on devrait offrir et l’argent que la ville reçoit pour les mettre en place.

Q: Quel est votre point de vue sur la question de la privatisation de la collecte des ordures pour réduire les dépenses de la ville?

R: La privatisation de la collecte des ordures ça correspond à un mythe, pas à une réalité. Sur 4400 $ de taxes de propriétés, environ 900 $ partent à la province pour l’éducation.

Donc le contribuable paye 3500 $ pour les services municipaux, pour tout! C’est bon marché. Prenons l’exemple de services privés comme les assurances auto et maison. On paye environ 2500 $ pour les deux pour une maison moyenne. Demandez aux gens si la collecte des ordures est aussi importante que leur assurance, si les pompiers sont aussi importants, la police, les parcs… ils vous répondront que oui.

Donc, s’ils sont aussi importants, ils valent la peine que l’on paye la même somme pour chacun. Ça ferait beaucoup à la fin!

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Là pour 3500 $ le contribuable a tous ces services. Avec ça on paye la police, les pompiers, les routes, les bibliothèques à 60%, les aides sociales à 20%, les transports, les logements sociaux à 20 %.

Q: Enfin, est-ce qu’il est normal que les salaires des employés municipaux aient augmenté trois fois plus que le salaire moyen entre 2002 et 2008?

R: C’est vrai qu’ils ont beaucoup augmenté, mais ils ont moins augmenté que ceux des employés du fédéral et du provincial.

Q: Rocco Rossi veut diminuer et geler son salaire, que ferez-vous?

R: Je n’accepterai pas d’augmentation, mais ce n’est que symbolique.

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