Je n’ai pas connu personnellement ce parrain mais j’en ai tant entendu parler qu’il est devenu «Parrain», personnage mythique, bien représentatif d’un milieu et d’une époque révolue, mais pas si lointaine.
Gouailleur, moqueur, généreux et râleur, il était le prototype de l’ouvrier parisien du siècle dernier, sa quintessence même, puisqu’il était de Nanterre, vraie banlieue prolétaire de l’Ouest de Paris. C’était une concentration de vieux immeubles bon marché, délabrés, et de pittoresques bistrots populaires.
C’est là, sur le zinc, que Parrain se trouvait lui-même, en revenant de La Garenne-Colombe où il «bossait» chez Goodrich. À faire du pneu toute la journée, ça use mais après deux ou trois pernods sur le zinc, on se sent requinqué et inspiré.
Ils étaient toute une bande à se retrouver au Café des Marronniers, juste en face chez Parrain, pour refaire le monde. Et surtout en expliquer ou en interroger les mystères, comme celui du vert qui vient d’un mélange de jaune et de bleu, alors que la salade verte, elle est verte toute seule… va savoir!
C’est là que Jean-Marie Gouriau aurait pu recueillir ses célèbres «Brèves de comptoir». J’entends bien Parrain déclarer: «Au pôle Nord, au pôle Sud, à l’Équateur, l’homme s’acclimate partout. Il n’y a qu’en banlieue qu’il ne s’acclimate pas». Et d’ajouter, en rigolant: «C’est pas parce que l’homme a soif d’amour qu’il doit se jeter sur la première gourde.»