Le droit d’être avisé de son droit au procès en français

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Publié 10/11/2009 par Gérard Lévesque

Trop de juges de la Cour de justice de l’Ontario ignorent encore leur responsabilité d’aviser un accusé de ses droits linguistiques. Comme les dispositions linguistiques du Code criminel sont entrées en vigueur le 31 décembre 1979, il n’est pas surprenant qu’un premier manquement ait été signalé moins de deux mois plus tard. Ce qui est toutefois inacceptable, c’est que ces violations se poursuivent encore de nos jours.

Le 26 février 1980, Cyrice Lapierre, un résident de Chapleau, est trouvé coupable d’évasion fiscale et condamné à payer neuf mille dollars d’amende ou à passer six mois en prison.

Un examen du dossier révèle toutefois que le juge avait délégué à l’avocat de service la responsabilité d’informer l’accusé de ses droits linguistiques et qu’un interprète fut assermenté seulement après la lecture de l’accusation et l’enregistrement du plaidoyer de l’accusé.

En appel, le juge Loukidelis, de la Cour de district de Sudbury, remarque que l’accusé n’avait pas été avisé conformément au Code criminel de son droit de demander un procès en français.

En acceptant, le 7 mai 1980, la requête de l’appelant, le juge confirme que la stipulation prévue par le Code criminel était impérative, que ce devoir ne pouvait pas être rempli par d’autre personne que le juge de paix ou le magistrat et que celui-ci devait informer l’accusé de ses droits en utilisant la langue de l’accusé, un interprète ou un formulaire.

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Près de trente ans plus tard, une autre affaire porte à croire que le problème est systémique puisque le principal intéressé, qui n’était pas représenté par un avocat, a comparu devant au moins un juge de paix et trois juges de la Cour de justice de l’Ontario sans être avisé de son droit à un procès en français. Mulamba Ohelo est francophone mais il a subi son procès à la Cour de première instance en anglais.

Le paragraphe 530(3) du Code criminel exige que le juge de paix ou le juge de la cour provinciale devant qui l’accusé comparaît pour la première fois, veille à ce que l’accusé soit entre autre avisé que son procès peut se dérouler devant un juge qui parle la langue officielle du Canada qui est celle de l’accusé ou, si les circonstances le justifient, qui parle les deux langues officielles du Canada.

Ohelo a interjeté appel des condamnations prononcées contre lui. Lors de cet appel, il était représenté par Maître Luc Leclair alors que la procureure de la Couronne était Maître Danielle Carbonneau.

C’est la juge Gladys Pardu, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, qui a entendu les parties. Après avoir rappelé que la Cour suprême du Canada avait statué dans l’affaire R. c. Beaulac, que l’article 530 du Code criminel donne à l’accusé le droit absolu à l’accès égal aux tribunaux dans la langue officielle qu’il estime être la sienne et que les tribunaux saisis d’affaires criminelles sont tenus d’être institutionnellement bilingues afin d’assurer l’emploi égal des deux langues officielles du Canada, la juge a conclu que le manque d’avis avait privé Ohelo de ses droits linguistiques et que cette violation était aussi grave que celle décrite dans l’arrêt Beaulac.

En conséquence, elle a annulé les condamnations prononcées contre l’accusé et renvoyé la cause pour un nouveau procès. La décision de la juge Pardu nous donne l’occasion d’attirer l’attention sur le fait qu’en 2008, le Parlement canadien a réitéré l’importance des droits linguistiques en modifiant entre autres le paragraphe 530(3) du Code criminel.

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La responsabilité du juge de paix ou du magistrat d’aviser l’accusé de ses droits linguistiques n’est plus limitée aux cas où l’accusé n’est pas représenté par procureur ; cette responsabilité s’étend maintenant aux cas où l’accusé est représenté par procureur.

Les organismes responsables de la formation permanente des juges de paix et des magistrats devraient faire un effort supplémentaire pour sensibiliser ceux-ci à leurs responsabilités découlant de la partie XVII du Code criminel.

Si de telles violations ont lieu dans un territoire comme celui de l’Ontario, on peut craindre le pire pour les justiciables francophones des provinces où la volonté politique de respecter les droits linguistiques des citoyens existe peu ou pas.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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