Et le chien domestiqua l’homme

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Publié 29/09/2009 par Pascal Lapointe (Agence Science-Presse)

Quelle est la meilleure preuve que les chiens ont évolué? Simple : ils nous ont bien dressés. On en rit, mais c’est le problème de la poule et de l’oeuf. Qui, du chien ou de l’humain, s’est le plus adapté à l’autre? Qu’est-ce qui explique cette relation unique en son genre entre deux espèces animales?

Les chimpanzés sont l’objet d’études ininterrompues depuis quatre décennies, et même les corbeaux ont eu droit à davantage d’attention que le chien, de la part des scientifiques. C’est ce que reproche Alexandra Horowitz, docteure en sciences cognitives et auteure de Inside of a Dog : What Dogs See, Smell, and Know (Dans la peau d’un chien).

Pourtant, le peu qu’on sait aurait déjà de quoi pousser Fido à incliner la tête en signe de perplexité.
Dans un reportage publié cette semaine dans le Time, le journaliste scientifique Carl Zimmer présente par exemple ce cas bien connu des biologistes, mais d’eux seuls: l’entraîneur montre à un chien un biscuit. Pendant que l’animal observe attentivement, l’entraîneur — en réalité un professeur de biologie de l’évolution à l’Université Duke nommé Brian Hare — se place derrière deux gobelets et, comme le font les magiciens, déplace rapidement les gobelets de manière à ce que personne n’ait vu en dessous duquel est maintenant caché le biscuit.

Il pointe alors avec son doigt un des deux gobelets. Le chien est relâché et, sans hésitation, se dirige vers le gobelet pointé du doigt.

Les biologistes expliqueront que c’est là un exploit qu’aucun autre animal n’est capable de réussir : « reconnaître qu’un geste reflète une pensée ». Tous les autres animaux, y compris le chimpanzé, auraient regardé le doigt. Le chien, lui, comprend que le doigt remplace la parole. Et ce, dès son plus jeune âge.

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Intelligence sociale

Une partie de l’explication s’appelle «intelligence sociale». Plusieurs animaux, lit-on dans le Time, ont développé une forme d’intelligence sociale qui leur permet de coopérer avec d’autres membres de leur espèce. Les loups, par exemple : ils chassent en meute et possèdent une hiérarchie. Mais les chiens ont développé une intelligence sociale encore plus complexe, en ceci qu’ils coexistent avec une autre espèce animale — nous.

Et pourquoi le chat en est-il incapable, lui qui partage pourtant sa vie avec nous depuis plusieurs millénaires? L’hypothèse la plus plausible, c’est qu’il ne descend pas d’un animal social, mais d’un animal qui chassait en solitaire. Il était donc moins « prédestiné » à coexister.

C’est cette relation unique qui a poussé le dénommé Brian Hare à créer cette année le Duke Canine Cognition Center, où les talents de chiens « brillants » seront dûment évalués — avec l’autorisation de leurs propriétaires. Un collègue, le psychologue de la cognition Marc Hauser, a lui aussi récemment ouvert un laboratoire du genre à l’Université Harvard.

Dans les deux cas, même règle : laisser les intuitions au vestiaire. Qui, par exemple, n’a jamais déduit d’un chien qui se met la queue entre les jambes lorsqu’on lui fait un reproche qu’il se sent coupable d’une mauvaise action? Manipulation, répond Alexandra Horowitz. Le chien a compris que, lorsque vous êtes en colère, la tactique la plus profitable est de «jouer» la soumission.

Bien que cette sorte de manipulation soit dérangeante, elle révèle combien les chiens prêtent attention aux humains et apprennent de ce qu’ils observent. Cette même attention apporte aux chiens — du moins à certains d’entre eux — une habileté avec les mots qui semble presque humaine.

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Un chien n’est pas un bébé

L’autre erreur fréquente est de comparer un chien avec un bébé — et ne dit-on pas que l’intelligence d’un chien équivaut à celle d’un bébé de 12 à 18 mois?

Dans l’édition du 4 septembre de la revue Science, une équipe hongroise qui a fait subir un test psychologique classique à des chiens — la balle cachée sous un des gobelets, tantôt toujours le même, tantôt un gobelet différent — conclut que ce genre d’expérience nous en apprend beaucoup plus sur ce qui différencie désormais les loups des chiens, que sur ce qui rapproche les chiens des bébés. Autrement dit, comment les chiens ont évolué au cours des 20 000 dernières années.

D’un point de vue pratico-pratique, toutes ces recherches pourraient servir aux futurs entraîneurs de chiens, y compris à ceux qui les préparent à des tâches spéciales, depuis les chiens policiers jusqu’aux chiens d’aveugles.

Mais qui sait si ces recherches ne pourraient pas nous en apprendre sur nous-mêmes: Brian Hare émet comme hypothèse que les obscurs détours de l’évolution qui ont conduit des loups à devenir des chiens, pourraient fort bien ressembler aux détours qui ont progressivement transformé des singes en des humains coopératifs.

www.sciencepresse.qc.ca

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