Neurosciences et enseignement

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Publié 22/09/2009 par Gabriel Racle

On apprend avec un cerveau. Cette assertion peut sembler une lapalissade, mais pendant longtemps on n’a guère tenu compte du rôle du cerveau en pédagogie, axée essentiellement sur la psychologie, pour traiter de l’acquisition du savoir, en oubliant souvent le savoir acquérir.

On rencontre maintenant dans bien des sites ou des titres de livres les mots neuroéducation ou neurosciences et apprentissage. C’est d’ailleurs à peu près le titre de l’ouvrage de M. Roy et J.-P-M. Denommé. Approche neuroscientifique de l’apprentissage et de l’enseignement, Montréal, Québécor, 2009, 240 p.

Les débuts

La préoccupation concernant le rôle du cerveau dans les apprentissages n’est pas si récente. Dans le compte-rendu des travaux d’un colloque organisé à Paris en 1968, Jean Evora écrit: «Il semble bien que nous nous servons mal de notre cerveau.

Ce que nous croyons être les limites de cet organe ne sont en fait que celles de notre enseignement et plus généralement de notre formation.»

Et à cette même époque, en écho à ces propos, le Dr G. Lozanov mettait sur pied à Sofia une nouvelle pédagogie destinée à valoriser les capacités du cerveau, avec des techniques appropriées, en tenant compte des effets de l’environnement physique et social.

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En 1975, le neurologue J. Bogen, collaborateur du neurochirurgien Sperry, qui avait mis au jour les spécialisations hémisphériques, s’intéressait aux applications pédagogiques de ces découvertes dans un premier article: «Some educational aspects of hemispheric specialization», UCLA Educator, 17, 2, 1975.

Ayant eu l’avantage de rencontrer le Dr Bogen, de travailler à Sofia avec le Dr Lozanov, dès 1972, et d’avoir utilisé avec succès ses méthodes pédagogiques dans l’enseignement de la langue seconde aux fonctionnaires fédéraux, nous avons publié La pédagogie interactive aux éditions RETZ, en 1983 (d’autres éditions ont suivi). Le neurologue français Paul Chauchard voulait bien en rendre compte dans un joual français (La Croix, mars 1984) en parlant «des nouvelles perspectives qu’apporte (en pédagogie) le canadien G. Racle, La pédagogie interactive, le promoteur de la neuropédagogie scientifique, un livre d’une importance considérable… »

Comprendre le cerveau

Ce sujet pourtant capital serait peut-être resté en sommeil dans bien des milieux voués à l’enseignement. Il est vrai qu’un certain conservatisme atteint nombre d’entre eux et que les changements ne s’y effectuent pas facilement.

Mais l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) s’est intéressée à cette question avec son projet «Science de l’apprentissage et recherche sur le cerveau», visant à une meilleure compréhension du système d’apprentissage au cours du cycle de vie d’une personne.

Deux grands rapports en sont sortis: Comprendre le cerveau: vers une nouvelle science de l’apprentissage, 2002 et Comprendre le cerveau: naissance d’une science de l’apprentissage, 2007. Ce document «constitue une lecture essentielle pour toute personne impliquée dans l’éducation que ce soit en tant que parents, professeurs, chercheurs, décideurs politiques ou apprenants.» (Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI))

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Neuroéducation

Une nouvelle terminologie a vu le jour; après la neuropédagogie du Dr Chauchard, on trouve maintenant la neuroéducation ou la neuroscience de l’éducation, qui nous est décrite comme débouchant sur des connaissances précieuses et neuves, qui permettent d’informer politiques et pratiques éducatives.

«Les recherches sur le cerveau apportent des éléments neuroscientifiques importants qui permettent de favoriser l’apprentissage tout au long de la vie: loin de soutenir l’idée qu’il faut surtout éduquer les jeunes – même s’il est vrai que ceux-ci disposent d’un fabuleux potentiel d’apprentissage –, la neuroscience a montré que l’apprentissage se fait tout au long de la vie, et que plus on continue d’apprendre, mieux on apprend.»

M. Roy et J.-M. Denommé ont opté pour une approche neuroscientifique de l’apprentissage. Les auteurs résument les bases classiques de cette approche, qui seront utiles aux enseignants en formation ou à ceux qui connaissent mal ou peu le sujet. L’ouvrage a l’avantage de remettre en lumière l’aspect neurologique de tout mode d’apprentissage et d’enseignement. Il se situe à un nouveau théorique et l’enseignant qui voudrait y trouver de quoi nourrir concrètement sa pratique pédagogique sera souvent déçu. Il devra découvrir des applications pratiques.

Oublis

Or il en existe. On regrettera que les auteurs ne connaissent pas les travaux pédagogiques du Dr Lozanov, souvent très pratiques. Ils leur auraient été fort utiles pour traiter de la pédagogie de la réussite, qu’il a mise au point, ou de la communication et de ses deux plans, logique, rationnel, verbal, conscient et émotionnel, non verbal, paraconscient, qui sont indissociables.

Nous avons pourtant présenté plusieurs exemples concrets dans notre livre. Manque aussi une référence au colloque «Cerveau-écriture» d’Aix-en-Provence, aux applications très pratiques. Et la chronobiologie de l’apprentissage, un domaine essentiel, souvent oublié, est aussi absente. Comme le montre l’illustration graphique traduisant le texte, il n’y a pour nous que trois «agents» de l’apprentissage et non quatre, insérés dans un environnement psychologique, social, physique.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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