Pour en finir avec les aides à l’Afrique

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Publié 16/06/2009 par Vincent Muller

«Nous ne voulons pas de votre pitié, nous voulons des emplois et des opportunités et la seule façon d’arriver à cela est que vous arrêtiez d’être désolés pour les africains, que vous commenciez à les traiter comme des adultes et non comme des enfants» c’est ce que répète inlassablement Dambisa Moyo, auteur de Dead Aid, paru ce printemps aux Etats-Unis. Dans cet ouvrage, l’économiste zambienne dénonce les méfaits de l’aide publique au développement et propose des solutions alternatives pour contribuer durablement au développement du continent africain.

Après avoir obtenu un doctorat en économie de Oxford University, un Master à Harvard, un Bachelor en Chimie ainsi qu’un MBA en finances à l’université de Washington D.C, Dambisa Moyo a travaillé chez Goldman Sachs, à la Banque Mondiale et est actuellement membre du conseil de Lundin Petroleum.

Aidant plusieurs organismes caritatifs, elle admet que les aides au développement sont parfois utiles pour remédier provisoirement à certains problèmes, mais insiste sur le fait qu’elles ont un impact plus négatif que positif.

Donnant de nombreux entretiens, participant à des débats et conférences aux quatre coins du globe sa cote de popularité est en hausse. Son discours novateur lui a même valu d’être nommée en mai dernier par le Time magazine comme étant l’une des 100 personnes les plus influentes au monde.

Aides inefficaces

«Plus d’un trillion de dollars d’aides reliées au développement, provenant des pays riches, ont été versées à L’ Afrique. Est-ce que cette assistance a amélioré la vie des africains? Non» affirme Dambisa Moyo. Selon elle, ceci a même aggravé les choses.

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Sa critique des aides pourrait, au premier abord, choquer plus d’une personne bien pensante qui espérait faire la différence en parrainant un enfant ou en faisant des dons à des organismes caritatifs.

Or, il ne s’agit pas de dénoncer ces personnes où organismes qui agissent avec de bonnes intentions mais plutôt de mettre en évidence les problèmes engendrés par les aides au développement en Afrique. «Nous sommes tous du même côté» expliquait Dambisa Moyo lors de son passage à Toronto où elle participait à un débat début juin.

Effet inverse

Tout le monde admettra facilement que les aides ne doivent pas durer éternellement. Le point qui suscite en fait le plus de réactions est l’affirmation que ces aides produiraient l’effet inverse de ce à quoi elles sont destinées.

Malgré certaines critiques, l’auteure de Dead Aid persiste et signe dans toutes ces apparitions: «il n’y a pas eu de déclin de la pauvreté et la croissance est plus faible». Parmi les plus graves effets de ces aides: «elles alimentent la corruption et déchargent les gouvernements de leur devoir de fournir les services nécessaires aux populations».

Citant des évaluations de la Banque Mondiale, elle va jusqu’à dire que cela «met les pays dans des situations d’endettement qu’ils ne peuvent surmonter, tue le secteur public, le secteur de l’exportation et l’entreprenariat».

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Au lieu de mettre des mesures en place pour fournir les services nécessaires en matière d’infrastructures, de santé ou d’éducation les gouvernements passeraient la majeure partie de leur temps à chercher des aides sans les utiliser à bon escient. Les services à la population n’étant pas fournis par les gouvernements mais par d’autres organisations, la population n’aurait aucun intérêt à aller voter ou à faire pression sur les dirigeants.

Image misérabiliste

Un autre aspect de ces aides, selon Dambisa Moyo, est qu’elles contribuent à véhiculer une image misérabiliste du continent africain qui, reprise par les médias, a un effet dissuasif sur les entrepreneurs potentiels qui pourraient générer de l’activité économique.

L’économiste est favorable aux aides les plus urgentes mais préconise de mettre l’accent sur les investissements étrangers, les échanges commerciaux et le développement de micro crédits pour générer un développement à long terme, insistant sur le fait que les gouvernements africains doivent assumer leurs responsabilités.

«C’est avec de telles mesures que la Chine s’est développée et non pas avec des aides», ajoute-t-elle, persuadée qu’il est possible de faire de même en Afrique.

Aides indispensables?

Pour un certain nombre de personnes œuvrant dans le domaine du développement, ces aides sont indispensables. Stephen Lewis, co-fondateur et co-directeur de l’organisation internationale, AIDS-Free World, basée aux Etats-Unis, participait au débat organisé le 1er juin à Toronto.

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Selon lui, Dambisa Moyo oublie de parler des effets positifs des aides au développement. «Au Rwanda la malaria a diminué de 50%, dans de nombreux pays le nombre d’enfants scolarisés augmente grâce aux aides».

Il reprend également l’exemple du Botswana cité par l’économiste pour son système démocratique et son développement permis, selon elle, grâce à un mélange de libre échange et d’investissement: «Dambisa Moyo oublie de dire que le Botswana possède des diamants, elle oublie aussi de dire qu’il y a quelques années, le pays comptait le plus haut taux de séropositifs au monde» arguant que l’aide à été déterminante pour remédier à cette situation.

Pour Stephen Lewis les aides doivent continuer afin de «pallier aux dysfonctionnements des États Africains». Selon lui, «le capital de nombreux états est trop juste, donc ils ont besoin d’un apport de capital extérieur» et, concernant les investissements privés, il considère qu’ils n’ont «pas un meilleur effet que les aides».

Le co-président de AIDS-Free World semble assez sceptique concernant les investissements directs étrangers chers à Dambisa Moyo, prétendant que ces investissements ne sont pas disponibles.

Asie et Moyen-Orient prêts à investir

L’économiste, elle, reste optimiste: «la population africaine est jeune, veut travailler et avancer» et affirme qu’en Asie et au Moyen-Orient le discours est différent de celui des occidentaux: «eux sont prêts à investir».

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Un chapitre de son ouvrage est justement consacré aux échanges entre l’Afrique et la Chine.

Bien que la politique chinoise soit parfois très critiquable, selon Dambisa Moyo il s’agirait d’une relation donnant-donnant plus favorable au développement de nombreux pays africains.

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