Le gouvernement fédéral a le pouvoir exclusif de nommer les juges des cours de niveau supérieur des provinces. La nomination, le 20 mai 2009, de Ron Stevens à la magistrature va à l’encontre de la position de l’Association du Barreau canadien (ABC) selon laquelle, pour éviter toute apparence de favoritisme politique, aucun ministre ne devrait être nommé directement à la magistrature, sauf après une période intermédiaire de deux ans suivant la date de sa démission du cabinet.
Or, quelques jours avant d’accéder à la magistrature, Ron Stevens était le numéro 2 de la politique albertaine.
Déjà en 1985, deux rapports de l’ABC dénonçaient les nominations de politiciens à la magistrature. Le Comité sur l’indépendance du pouvoir judiciaire au Canada, présidé par Louis-Philippe de Grandpré, présentait ainsi la problématique:
« Il existe des directives qui interdisent aux anciens politiciens de participer à des activités commerciales impliquant le gouvernement pendant au moins deux ans après s’être retirés de la vie politique. Il serait même impropre pour eux de vendre des crayons au gouvernement. Toutefois, paradoxalement, on a décidé qu’il n’était pas impropre pour un politicien de passer sans transition de la Chambre des communes à la magistrature. Au cours des récentes années, nous avons vu des ministres du Cabinet démissionner de leurs fonctions un jour et de se retrouver pratiquement le lendemain sur le banc de tribunaux où très souvent le gouvernement est partie aux litiges. Cela fut même le cas d’un ancien ministre de la Justice. Il est difficile de préserver l’apparence d’une magistrature indépendante par de telles pratiques, peu importe les compétences et l’honnêteté de ces juges. »
Pour sa part, le Comité sur la nomination des juges au Canada signalait qu’une des principales insatisfactions était l’importance du favoritisme politique sur les nominations à la magistrature.
De toute évidence, le gouvernement Harper n’est pas d’accord à imposer une période d’attente de deux ans avant de permettre à un ministre de poser sa candidature à une nomination à la magistrature.