«Les quatre morts de Marie» de Carole Fréchette: une vie impénétrable

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Publié 24/03/2009 par Annik Chalifour

Onze jeunes acteurs du Programme d’études en art dramatique du Collège Glendon ont interprété la pièce de Carole Fréchette, Les quatre morts de Marie, au Théâtre du Collège Glendon, trois soirs de suite la semaine dernière.

Au milieu de la salle, le décor sobre au sein d’un éclairage tamisé a plongé les spectateurs dans la traversée dramatique de Marie en quête de sa place dans la vie. La pièce, découpée en quatre tableaux, présente le drame d’une femme à la recherche de réponses à l’impossible.

En sa compagnie, on traverse le climat de la société québécoise des années 1950 à 1990. Des années où l’on pensait que tout était possible, que tout était accessible. Le temps semblait sans limites, on croyait pouvoir changer le monde.

«J’avance dans la boue jusqu’au genou, jusqu’à la taille, jusqu’au coup, jusqu’aux yeux, jusqu’au crâne…», dira le père absent de Marie. L’enfant de onze ans et demi ne comprend pas pourquoi son père est parti, ni non plus par la suite pourquoi sa mère l’a quittée tout en lui écrivant qu’elle l’aime… La brutalité odieuse de la vie s’installe au premier temps.

La boue et l’eau

Marie avance seule dans la boue, qui pour elle se transforme en eau. Une vie vide de sens comme un océan qu’elle n’arrive pas à maîtriser. Comme les grands courants de la mer dont les vagues immenses se chargent de nous transporter là où elles veulent, sans que l’on ne puisse rien y changer…

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L’histoire de Marie apparaît comme un destin manqué. Alors que la vie lui laissait croire qu’elle pouvait devenir une grande écrivaine, une grande aventurière, une grande amoureuse. «Elle voulait écrire les aventures de Mary Simpson, marcher jusqu’à la Terre de Feu, élever quatre garçons et quatre filles…»

Tout au long de la pièce, on entend imperceptiblement un mince filet d’eau qui coule… Marie, tant bien que mal, tente de trouver des raisons de vivre. Au deuxième temps, elle est devenue une jeune femme à une époque où le féminisme pointe à l’horizon. Elle ne sait plus qui croire, se balance entre deux amants, découvre l’injustice sociale, crie son indignation face à l’indolence du monde. Elle croyait pouvoir changer la face des choses. Mais la confiance et la résilience lui manquent.

Vivre sans vivre

Au troisième temps, elle devient une femme qui s’étourdit dans l’absurde. C’est l’ascension vers le déclin précoce d’une vie vécue sans perspectives, au gré d’une routine précaire et de pressions sociales vides de sens. La société a raison de tout, elle triomphe sur nos faiblesses humaines. Elle nous réduit à l’état de consommateurs. L’activisme social est vaincu par l’appât d’avoir, au lieu d’être.

Nous sommes au quatrième temps, Marie nous a demandé de la regarder mourir. C’est à son tour d’avancer dans l’océan jusqu’au crâne, de braver le dragon des mers qui représente la lutte de sa vie contre l’adversité de l’abandon, contre l’insoutenable absence d’amour, contre la sottise sociale qui l’emporte sur le désir d’authenticité.

Jeunes comédiens

L’ensemble des jeunes comédiens ont interprété les personnages de la pièce de Carole Fréchette avec fraîcheur, à travers les lunettes de la jeunesse qui se questionne sur le sens de la vie.

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Ils n’ont eu que quelques semaines pour répéter, vu la longue grève à l’université. Pourtant, le résultat de leur labeur intensif est excellent. Car l’interprétation de chacun révèle une remarquable compréhension des thèmes du texte, même si ces jeunes n’ont pas connu les quatre décennies représentées dans la pièce.

Autre fait intéressant, la distribution comprend des comédiens de différentes origines. Une multiplicité d’accents qui permet d’aller au delà d’une interprétation conventionnelle.

«La pièce peut être interprétée de multiples façons, tout autant par des jeunes que par des acteurs chevronnés, d’une culture à une autre, d’un pays à un autre. J’ai vu la pièce en Amérique du Sud jouée par des jeunes qui m’ont dit s’être complètement retrouvés sous le thème universel et personnel de la quête du sens de la vie. La candeur et l’authenticité du jeu des jeunes acteurs de ce soir m’ont plu énormément», dit la dramaturge et auteure Carole Fréchette, qui a participé à l’événement à Glendon.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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