Raymond Mougeon présente l’évolution du français en Ontario

Le franco-ontarien étudié à la loupe

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Publié 24/03/2009 par Vincent Muller

En situation minoritaire, l’école joue un rôle déterminant dans l’appropriation du français, expliquait Raymond Mougeon, directeur du Centre de recherche sur le contact linguistique du Collège Glendon, lors d’une conférence, vendredi dernier, portant sur l’évolution du français parlé des adolescents franco-ontariens.

Les recherches menées portaient sur une comparaison de corpus recueillis en 1978 et en 2005 dans les écoles de quatre communautés francophones de l’Ontario.

Raymond Mougeon présentait les résultats d’un nouveau type d’analyse du changement linguistique dans les milieux francophones minoritaires. Les études sur le même sujet menées auparavant étaient basées sur des comparaisons d’individus de groupes d’âges différents. Le chercheur explique que ces études partaient du principe que le parlé de l’individu n’évolue pas au cours de sa vie.
Pour cette étude, ce sont les données recueilles en 1978 auprès d’adolescents de 9e à 12e année qui ont été comparées à celles recueillies auprès d’adolescents de la même tranche d’âge en 2005. Leur parlé en salle de classe ainsi qu’en entretien a été étudié tout comme le contenu des manuels de français qu’ils utilisent.

Milieux minoritaires ou… très minoritaires

Le milieu social des élèves, leur pratique ou non du français en famille, les pratiques linguistiques des enseignants étaient également parmi les facteurs pris en compte pour réaliser cette évaluation.

Trois des quatre communautés étudiés sont des communautés où les francophones sont minoritaires, allant d’une part très faible de la population pour Pembroke avec 10% ou North Bay avec 18%, à une part un peu plus importante avec Cornwall où les francophones représentent 38% de la population.

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Afin de pouvoir faire des comparaisons, les écoliers de la ville de Hawkesbury, où les francophones sont majoritaires avec 85%, ont été soumis à la même étude. D’après des données du recensement national, on constate qu’entre 1981 et 2001 le maintien du français dans les foyers de langue maternelle française baisse dans toutes les communautés étudiées exceptée celle de Hawkesbury.

Avant le recueil et l’étude des données, Raymond Mougeon, explique que l’on prévoyait plusieurs phénomènes tels qu’une tendance à la dévernacularisation du français, c’est-à-dire l’utilisation d’un français «plus académique», une augmentation de l’influence de l’anglais et une tendance à la perte de distinction morphosyntaxique ou lexicale.

Je vais et je vas

Pour cette étude, trois tournures de phrase différentes exprimant la même idée ont notamment été étudiées: je vais/je vas/m’as partir demain. La forme du français académique «je vais», en 1978 était peu utilisée, et particulièrement peu présente à Hawkesbury, en milieu francophone majoritaire. «Je vas» étant la forme la plus fréquente pour toutes ces communautés avec encore la présence du «m’as».

En 2005, peu de changements ont été constatés à Hawkesbury avec le «je vas» majoritaire et le «m’as» toujours présent, alors que dans les communautés où le français est minoritaire, la forme «m’as» a quasiment disparu et la forme «je vais» est en augmentation, restant toutefois moins utilisée que le «je vas».

Du côté des enseignants des quatre communautés le «je vais» et le «je vas» sont au coude à coude. On constate également que plus la classe sociale est élevée plus la tendance à l’utilisation de la forme académique est importante, excepté en milieu francophone majoritaire.

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L’influence de l’anglais

Concernant l’influence de l’anglais, il semble qu’elle soit quasiment nulle en milieu majoritaire alors qu’elle est assez importante en milieu minoritaire avec, par exemple, le remplacement de plus en plus fréquent du verbe «avoir» par le verbe «être» sur le modèle de l’anglais, comme dans la phrase «j’étais avec des amis qui étaient peur des enseignants» (de l’anglais «to be afraid»). Certains mots sont ensuite utilisés comme adjectifs, pour continuer avec le même exemple: «le film était peur» (de l’anglais «scary»).

Concernant les enseignants le transfert intersystémique avec le remplacement de l’auxiliaire «avoir» par l’auxiliaire «être» n’a (heureusement) pas été constaté.

L’influence provient donc essentiellement de l’extérieur où la plupart des communications se font en anglais. Parmi les conclusions tirées de l’étude, on constate, entre autre, qu’en milieu minoritaire les adolescents maintiennent très peu le français dans les situations informelles et que l’école «joue un rôle important dans leur appropriation du français».

Le français devient également plus académique avec les formes vernaculaires de moins en moins employées. Parallèlement à cela, le français subit d’autres modifications.

S’il devient «plus académique» d’un côté, il contient «des innovations plus où mois imputables à l’influence de l’anglais». Les élèves sont cependant capables d’adapter leur type de langage en fonction de la conversation, du thème abordé, du lieu où de l’interlocuteur (ami ou enseignant).

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