250e anniversaire de la Bataille des Plaines d’Abraham:pourquoi tant de tapage?

La reconstitution des batailles de 1759 et de 1760 sur les Plaines d’Abraham est annulée. 150 menaces d’interruption et de violence, dont deux font l’objet d’une enquête policière, ont été reçues par la Commission des Champs de Bataille qui avait organisé l’événement pour marquer le 250e anniversaire de la bataille.

Cette commémoration, qui devait simplement copier les reconstitutions qui ont eu lieu en 1999 et en 2004, est devenue un symbole chargé d’émotions. Le regard purement historique sur les exercices de 1999 et 2004 a été complètement éclipsé par une interprétation qui voit la défaite de Montcalm comme une blessure et la décision de recréer les événements comme une intention de tourner le couteau dans la plaie.

La Commission des Champs de Bataille Nationaux (CCBN) est un organisme autonome, mandaté et financé (10 millions $ pour l’année 2008) par le gouvernement canadien pour entretenir et valoriser un parc de 108 hectares dont la géographie, la beauté et l’importance historique en font un site sans pareil. Fondée en 1908, lors du 300e anniversaire de la fondation de la ville de Québec, la Commission a participé avec éclat et visibilité aux célébrations du 400e dont un grand nombre des activités ont eu lieu sur ses terrains.

Omniprésence du fédéral au 400e

C’est peut-être là le début du problème. Les célébrations du 400e ont été énormément populaires. Le gouvernement canadien y a investi 600 millions $.

Le site internet www.quebec400.gov.ca. était le principal lieu d’information sur les fêtes. Les critiques de la programmation ont eu peu d’impact parce que l’enthousiasme du grand public et l’atmosphère de bonheur et de fierté neutralisait tout commentaire négatif. C’était du jamais-vu : une omniprésence fédérale non seulement tolérée mais joyeusement accueillie.

L’erreur de la CCBN semble avoir été d’annoncer la reconstitution des batailles en invitant le public à célébrer, à faire la fête avec un grand bal masqué. La pureté historique a disparu avec le manque de jugement autour de l’invitation à fêter.

Nouvel élan pour les nationalistes

L’élection fédérale d’octobre avait été un désastre pour les partis fédéralistes. Les coupures aux programmes des tournées pour les artistes et les mesures punitives pour jeunes criminels ont fait fondre les appuis aux conservateurs pendant que le parti libéral n’arrivait pas à surmonter le leadership de Stéphane Dion. Le Bloc Québécois (BQ) s’en est trouvé renouvelé.

Les nationalistes québécois et le BQ ont reçu un autre élan quand Stephen Harper a brutalement attaqué la coalition des libéraux et du NPD pour leur partenariat avec les bloquistes. Ses attaques communiquaient un tel mépris pour les élus du BQ qu’un grand nombre de Québécois qui ne sont pas souverainistes en ont été offensés.

Ces souverainistes revivifiés ont compris que la reconstitution des batailles offrait une occasion de blâmer la CCBN et indirectement la main lourde du fédéral. Ce ne fut pas difficile de peindre une image d’arrogante indifférence aux sensibilités des Québécois francophones en accentuant la douleur de la défaite.

Les médias se sont emparés de l’occasion pour alerter le public et alimenter les flammes. Tout le monde s’est prononcé: politiciens, historiens, nationalistes, chroniqueurs et éditorialistes. La CCBN s’est trouvée sur la défensive. Il a fallu reculer avec le résultat qu’on connaît.

Au Canada anglais, on est impressionné par la passion nationaliste. On craint encore la menace séparatiste quoiqu’il y a une nouvelle attitude qui pourrait prendre de l’ampleur: une réaction de colère et d’impatience vis-à-vis du Québec. La résistance grandit envers la vieille dynamique de demandes et de concessions.

Avec un peu de recul il faut se demander si tout ce tapage n’est pas un prétexte pour occuper l’espace public avec des querelles familières afin d’éviter de penser aux terrifiants problèmes d’une situation économique qui se détériore à vue d’œil.