Franco-Albertains: un cas qui fera jurisprudence

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Publié 17/02/2009 par Annick Boulay

Tout a commencé en 2002. Gilles Caron, un Franco-Albertain, déposait une plainte pour discrimination linguistique dans son ancien milieu de travail (à la ville d’Edmonton) auprès de la Commission albertaine des droits de la personne. Après rejet de la plainte par le directeur de la Commission, Gilles Caron demande une révision judiciaire du rejet. Aujourd’hui, en 2009, M. Caron attend toujours qu’on révise son dossier: c’est qu’un imbroglio portant sur la langue éternise le règlement de sa plainte.

Devant la Cour du Banc de la Reine, le 28 juin 2007, M. Caron s’exprimait en français qui est, doit-on le rappeler, une langue officielle au Canada. La juge qui entendait la cause était bilingue, mais pas la partie adverse. C’est donc la juge qui traduisait sa conversation avec M. Caron pour permettre aux représentants de la ville d’Edmonton et au directeur de la Commission albertaine des droits de la personne de comprendre ce qui se passait.

Toute l’action de Gilles Caron devant cette Cour était en français, mais la partie adverse ne comprenant pas un seul mot, elle a finalement demandé à ce que les procédures se déroulent en anglais. «J’ai refusé, explique Gilles Caron. J’ai invoqué la Loi constitutionnelle de 1867 et la Charte canadienne des droits et libertés et j’ai dit qu’étant donné que les deux langues étant égales au Canada, j’allais procéder en français.»

Le directeur de la Commission albertaine des droits de la personne et la ville d’Edmonton ont reconnu le droit de M. Caron de s’exprimer en français pendant les procédures. Par contre, ils ont pris comme position que M. Caron devait alors payer pour avoir un interprète parce que, selon eux, les procédures devaient se dérouler en anglais. Or, la chose était inadmissible aux yeux de Gilles Caron. «À aucun moment, je n’ai demandé à avoir un interprète, affirme-t-il. Je considère que c’est à eux d’avoir recours à ce service.»

Le 14 septembre 2007, la juge J.B. Veit de la Cour du Banc de la Reine a sommé la Commission de payer les services d’un interprète pour l’audition de la révision judiciaire «puisque M. Caron a le droit constitutionnel de s’exprimer en français au cours de l’audience, il est nécessaire d’avoir une transcription officielle de ses prétentions.» Mais voilà: le commissaire en chef de la Commission albertaine des droits de la personne en a appelé de cette décision. Il considère que c’est à M. Caron et non au gouvernement de l’Alberta de payer l’interprète.

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Bataille idéologique

Pour Gilles Caron, le droit à utiliser le français n’est pas un simple droit à l’interprète. L’article 4 de la Loi linguistique énonce clairement le droit à employer le français ou l’anglais dans les communications verbales devant les tribunaux de l’Alberta. Le problème, c’est que cette loi, bien que couchée sur papier, n’a pratiquement aucun effet dans la vie réelle puisque aucune règle des tribunaux n’encadre son droit à l’utilisation. «L’anglais n’a pas priorité, s’insurge M. Caron. Il y a et devra toujours avoir égalité entre les deux langues.»

Les obstacles sont donc souvent nombreux pour les francophones qui tentent d’obtenir des services en français dans les tribunaux de l’Alberta. Trop souvent confrontés à la multiplication des procédures et à la perte en temps et en argent, ils finissent par laisser tomber. «Ils veulent que les gens abandonnent, soupire Gilles Caron. Ils veulent diminuer les droits des francophones. Ils combattent nos droits.»

Récolte de fonds

Peu importe de quel côté les tribunaux trancheront, la cause Caron fera jurisprudence en Alberta et il n’est pas exclu que toute cette affaire soit portée devant la Cour Suprême.

Au début des procédures, Gilles Caron assumait lui-même sa défense. Devant la tournure des événements, l’aide d’un juriste est devenue nécessaire. C’est Maître Gérard Lévesque, chroniqueur à L’Express, qui prête maintenant main forte au franco-albertain dans cette quête aux droits linguistiques en Alberta. «Maître Lévesque est un avocat qui est fortement intéressé par ce genre de cause, soutien M. Caron. Il a à cœur le développement du fait français au Canada. C’est un avocat exceptionnel qui ne compte pas le temps passé sur cette affaire.»

Les fonds recueillis seront déposés en fiducie et utilisés pour le financement des procédures. Les chèques doivent être libellés à l’ordre de «Fonds d’accès à la justice en français en Alberta» et envoyés à l’adresse suivante : 9216 promenade Oakmount Drive S.O., Calgary, Alberta, T2V 4X9. «Le nombre de petits dons peut faire toute la différence», termine Gilles Caron.

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Pour en savoir plus et pour obtenir les textes intégraux des décisions des instances juridiques, consultez: la documentation capitale.

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