Tout a commencé en 2002. Gilles Caron, un Franco-Albertain, déposait une plainte pour discrimination linguistique dans son ancien milieu de travail (à la ville d’Edmonton) auprès de la Commission albertaine des droits de la personne. Après rejet de la plainte par le directeur de la Commission, Gilles Caron demande une révision judiciaire du rejet. Aujourd’hui, en 2009, M. Caron attend toujours qu’on révise son dossier: c’est qu’un imbroglio portant sur la langue éternise le règlement de sa plainte.
Devant la Cour du Banc de la Reine, le 28 juin 2007, M. Caron s’exprimait en français qui est, doit-on le rappeler, une langue officielle au Canada. La juge qui entendait la cause était bilingue, mais pas la partie adverse. C’est donc la juge qui traduisait sa conversation avec M. Caron pour permettre aux représentants de la ville d’Edmonton et au directeur de la Commission albertaine des droits de la personne de comprendre ce qui se passait.
Toute l’action de Gilles Caron devant cette Cour était en français, mais la partie adverse ne comprenant pas un seul mot, elle a finalement demandé à ce que les procédures se déroulent en anglais. «J’ai refusé, explique Gilles Caron. J’ai invoqué la Loi constitutionnelle de 1867 et la Charte canadienne des droits et libertés et j’ai dit qu’étant donné que les deux langues étant égales au Canada, j’allais procéder en français.»
Le directeur de la Commission albertaine des droits de la personne et la ville d’Edmonton ont reconnu le droit de M. Caron de s’exprimer en français pendant les procédures. Par contre, ils ont pris comme position que M. Caron devait alors payer pour avoir un interprète parce que, selon eux, les procédures devaient se dérouler en anglais. Or, la chose était inadmissible aux yeux de Gilles Caron. «À aucun moment, je n’ai demandé à avoir un interprète, affirme-t-il. Je considère que c’est à eux d’avoir recours à ce service.»
Le 14 septembre 2007, la juge J.B. Veit de la Cour du Banc de la Reine a sommé la Commission de payer les services d’un interprète pour l’audition de la révision judiciaire «puisque M. Caron a le droit constitutionnel de s’exprimer en français au cours de l’audience, il est nécessaire d’avoir une transcription officielle de ses prétentions.» Mais voilà: le commissaire en chef de la Commission albertaine des droits de la personne en a appelé de cette décision. Il considère que c’est à M. Caron et non au gouvernement de l’Alberta de payer l’interprète.