C’est l’occasion qui fait le larron!
(Proverbe)
On cambriole de plus en plus dans le monde. Parfois, comme dans le cas récent de la joaillerie Harry Winston, il s’agit d’habiles professionnels. Ceux-là, déguisés en femmes («du monde», sans doute), dérobent quelques bijoux – 85 millions en euros, en plein jour, avenue Montaigne, à Paris. Parfois une porte ou une fenêtre restée ouverte fournissent l’occasion facile qui tente le larron. Toronto, longtemps réputée comme une ville sans voleurs, en a maintenant son lot chaque jour.
Je me rappelle toujours avec attendrissement le marchand de journaux d’une petite rue de Paris près de la Seine, dans les années 50. Il installait une pile d’exemplaires du quotidien Le Monde, sur le rebord d’une fenêtre, au rez de chaussée d’un immeuble. À côté des journaux, il mettait une boîte avec l’inscription: «Je reviens de suite. Servez-vous et prenez la monnaie dans la boîte, si nécessaire.»
Pour ne pas perdre de temps à attendre le client, il refaisait le monde (l’autre!) sur le zinc d’un bistrot voisin, sur la pittoresque Place Maubert. Le soir, ses journaux vendus, il venait récupérer son maigre bénéfice. Il a pratiqué ce petit commerce durant une dizaine d’années sans que personne ait jamais profité de son absence pour lui voler sa caisse. Il y avait pourtant des clochards dans les parages. Mais il faut dire que, en ce temps là, ils se contentaient de faire les poubelles, volant ou mendiant peu. On n’a jamais su pourquoi ce vendeur de journaux si confiant avait disparu. Un beau jour, des sans scrupules l’auront-ils ruiné?
À la même époque, d’après guerre, une kyrielle de brocanteurs a envahi la campagne française. Ils jouaient les rabatteurs pour les antiquaires des grandes villes, cherchant l’occasion rare qu’ils acquerraient à vil prix, chez un fermier naïf. Mais parfois aussi le paysan faisait payer cher un vieux bahut croulant pour s’acheter un meuble fonctionnel, en formica bon marché! L’histoire suivante illustre se genre de tractation où le plus malin n’est pas toujours celui qu’on pense.
Un brocanteur s’arrête dans une ferme sous prétexte d’acheter une douzaine d’œufs.
– Mon pauv’monsieur, dit le vieux paysan, vous tombez ben mal.
– Pourquoi donc?
– Nos poules pondent pus.
– Vos poules ne pondent plus!
– Oh! pus guère. On n’a quasiment pus d’quoi faire une omelette chaque semaine.
– Une douzaine, combien la vendriez-vous?
– Ça a encore augmenté, d’après le journal.
– Oui, tout augmente, mais dites-moi votre prix…
– Six francs, Mais on en trouve pus à ce prix-là aujourd’hui!
– Bon. Voilà dix francs.
– C’est que ça mange toute c’te volaille!
– Allons, douze francs?