Le temps est venu d’aborder – enfin! – deux nouveautés que je m’étais mises de côté pour la durée du congé des Fêtes, ayant compris qu’elles méritaient une attention particulière, et qu’il serait fâcheux d’en parler intempestivement. D’abord, il y a Écoutez d’où ma peine vient (EMI), le petit dernier de l’éternel Alain Souchon, et puis le fameux Douze hommes rapaillés chantent Gaston Miron (Spectra Musique), déjà considéré, par les chroniqueurs qui comptent, comme un classique de la chanson québécoise.
Dans un cas comme dans l’autre, la tâche s’est avérée plus ardue que prévu. Pour ce qui est de Souchon, si j’ai bloqué, c’est pour des raisons personnelles: son œuvre m’accompagne et m’oxygène depuis si longtemps que chacune de ses nouveautés constitue non seulement la bande-son de ces films qui tournent dans ma tête, mais une borne sur mon cheminement personnel. Même si je ne suis jamais déçu, j’ai toujours peur que vienne le jour où la magie Souchon n’opérera plus chez moi – par sa faute ou la mienne? – et que je devrai chercher ailleurs l’inspiration divine.
Écoutez d’où ma peine vient m’a d’abord fait le même effet que son prédécesseur, La vie Théodore, en ce sens qu’au départ, j’ai cru y déceler un certain essoufflement de l’inspiration. En plus de piquer à Aragon le texte (fort joli, au demeurant) de Oh la guitare, Souchon reprend Bonjour Tristesse, l’ode à Françoise Sagan qu’il nous avait déjà proposée dans l’album susmentionné, et dont cette nouvelle lecture ne propose rien de radicalement nouveau. Sans elle, on se retrouve avec 37 petites minutes de musique. Un peu mince, non?
Mais voilà qu’au fil des écoutes, le poids réel de chaque chanson d’apparence si lègère s’est imposé comme une vérité irréfutable: Elle danse est la plus touchante chanson que je connaisse sur les blessures de l’exil et la ténacité de l’espoir. Si l’on peut dire qu’il existe des chefs d’œuvre de tendresse, en voilà un. Quant au curieux 8m2, Souchon y scrute les motifs – et le sort – de ces femmes fatalement dévouées à leur homme, et qui épousent une cause perdue pour peu qu’elles s’amourrachent d’un quelconque combattant.
Dans le même ordre d’idées, l’étrangement intitulé Popopo explore le mythe du Ché et le décalage entre l’icône exportable et la vérité historique («La gueule du beau mec, le béret/Le cigare au bec parfait/Sur le tee-shirt d’Adriana/Allons faire un tour sur Internet/Voir si ce guérillero était vraiment le mec net»). Et puis il y a Rêveurs, sur lequel s’ouvre l’album, et qui reprend avec humour un thème – celui de la trahison de nos belles illusions de jeunesse – qu’avait exploité Lelièvre sur Qu’est-ce qu’on a fait de nos rêves? («On disait, vous verrez quand ce sera nous/Plus de violence, plus de coups/On voyait nos baisers gagnants/Les filles se déshabillaient tout le temps»).