Un enjeu de taille dans le port

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Publié 27/02/2006 par Claude Bergeron

La configuration des bords du lac Ontario au pied de la partie centrale de Toronto a tout le potentiel nécessaire pour doter la ville d’une façade des plus spectaculaires.

Les vastes étendues du port s’avançant à l’est et les terrains de l’aéroport à l’ouest, qui pourront éven-tuellement être exploi-tés pour des usages plus appropriés à un centre-ville, rejoignent le parc des îles pour circonscrire un immense plan d’eau, de sorte que les édifices qui l’entoureront un jour déploieront une façade sur trois côtés. Toron-to paraîtra bâtie autour d’un lac.

Un spectacle constant s’offrira aux habitants et visiteurs de ces lieux, peu importe leur point d’observation. Pour que ce rêve se réalise, il faudra construire correctement. Est-ce que cela ne serait aussi qu’un autre rêve?

Plusieurs s’inquiètent présentement à ce sujet. Des conflits font déjà surface. La Toronto Waterfront Revitalization Corporation, créée pour transformer ces rêves en réalité, a lancé en 2003 un concours international pour l’aménagement des terrains compris entre les rues Jarvis et Cherry. La firme Koetter, Kim & Associates de Boston fut couronnée lauréate.

Depuis, un organisme municipal, la Toronto Economic Development Corporation, a commandé un autre plan à l’architecte torontois Jack Diamond, qui avait pris part au concours initial. Pour justifier son geste, la TEDCO fait valoir qu’elle est propriétaire de la majeure partie des terrains et qu’elle a pour mandat de les administrer com-me le ferait un «propriétaire prudent».

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Les deux architectes jouissent d’une grande renommée. Le plan primé n’est pas idéal en tous points et celui de Jack Dia-mond comporte plusieurs qualités. Toutefois, contrairement à ce que prétend la TEDCO, les deux présentent des différences importantes. Alors que Dia-mond fonde son plan sur le préalable que le site est excentrique, Koetter considère que celui-ci deviendra central, et il est possible que les éventuelles constructions à l’est de la rue Cherry lui donnent raison.

Cette perception différente du site entraîne plusieurs contrastes entre le deux plans. Koetter octroie une plus grande place au commerce. Personne ne paraît pouvoir établir l’étendue des espaces commerciaux nécessaire, mais les deux architectes proposent des mesures pour adapter leur plan à des besoins variables.

Koetter propose que les éta-blissements commerciaux s’étalent de façon continue le long de deux axes, l’un étant l’esplanade en bordure du lac et l’autre le Queens Quay, l’épine dorsale du quartier. Diamond, qui soutient que l’activité commerciale logée sur un seul côté d’une artère connaît moins de succès, préfère former des grappes de magasins distribuées en divers points.

Des établissements comme les terrasses de cafés, de restaurants et d’hôtels s’accommodent très bien d’une esplanade donnant sur la mer sans avoir besoin du soutien d’autres entreprises leur faisant face.

Par contre, la proposition de grappes dispersées revêt beaucoup d’intérêt car elle mêle intimement l’activité commerciale et la fonction résidentielle. Cette proposition favorise un autre aspect qui oppose le plan de Diamond à celui de Koetter.

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Le premier prône des espaces réduits et conviviaux, procurant le spectacle pittoresque de perspectives à la fois encadrées et inattendues sur le lac. Koetter poursuit une voie opposée. Convaincu du rôle central que le quartier est appelé à jouer, il cherche à renforcer les liens avec ses voisins, en parti-cu-lier le quartier Saint-Laurent au nord.

Pour y arriver, il forme au pied de chacune des artères qui franchissent les voies ferrées (Jarvis, Sherbourne et Parliament) de larges ouvertures qui fragmentent du nord au sud tout le quartier compris entre le lac et l’autoroute. D’aussi larges percées risquent d’introduire des discontinuités fatales dans les axes commerciaux qu’il propose. Pire encore, par temps froid ces vastes esplanades deviendront des lieux inhospitaliers.

Bref, les différences opposant les deux plans ne manquent pas, mais ceux-ci ne sont pas irréconciliables. Personne, non plus, ne détient toute la vérité dans ce qui semble devenir une saga. C’est Koetter qui a remporté le concours et c’est la TWRC qui fut désignée maître d’ouvrage. La TEDCO dit qu’elle ne cherche qu’à apporter sa contribution au projet retenu, bien qu’on la soupçonne de vouloir y substituer son propre plan. S’il faut la féliciter pour l’attention qu’elle manifeste à l’égard des biens de la Ville, il importe qu’elle se contente de faire ce qu’elle dit vouloir faire.

Pour leur part, Koetter et la TWRC doivent se montrer réceptifs aux idées mises de l’avant par Diamond. L’architecte bostonien paraît ouvert aux échanges, affirmant qu’ils sont la meilleure garantie de succès. Toutes les parties concernées doivent mettre de côté leur ego et se rappeler que leur mandat consiste à travailler pour le plus grand bien de la collectivité. Qu’ils sachent que l’enjeu est de taille.

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