Il est de mise de voir de nos jours des «sociologues» employés comme experts ou spécialistes par des institutions publiques, des organismes gouvernementaux ou politiques, ou des entreprises privées. S’agit-il d’une nouvelle discipline qui se répand dans le monde du travail, et dans quel but, ou de débouchés pratiques d’une science jusque là confinée dans le monde universitaire?
Mais qui a inventé la sociologie, s’il en existe un inventeur? Le terme lui-même date de 1830 et c’est le philosophe français Auguste Comte (1798-1857) qui l’a créé. Il s’intéressait à une science de la société qu’il a d’abord dénommée «physique sociale», mais le terme étant utilisé par un statisticien belge, il a forgé le néologisme sociologie, qualifié de «barbare», parce qu’il est formé du latin socius (société) et du grec logos (discours). Toutefois, comme il ne s’agit pas d’une science exacte, on ne peut mentionner le nom d’un inventeur.
L’intérêt pour les sociétés et leurs phénomènes ne date pas d’hier. Les historiens de la pensée remontent jusqu’à Platon, Aristote ou Hérodote chez les Grecs, ou même Zoroastre dans le monde persan, tout en mentionnant nombre d’ouvrages plus récents comme L’esprit des lois (1748) de Montesquieu ou De la démocratie en Amérique, une étude de Tocqueville (1805-1859) concernant les États-Unis.
Mais ces ouvrages, comme d’autres, relèvent plutôt de la littérature et donnent une description de la société, telle qu’elle était ou devrait être. Et précisément, l’agitation sociable qui se répand en Europe vers la fin du XVIIe siècle remet en cause l’ordre établi, «fondé sur l’alliance du roi et de l’Église», comme le montre la Révolution française de 1789, qui n’hésite pas à guillotiner un roi. Et ces perturbations sociales se prolongeront au cours du XIXe siècle, marquées en Europe par des guerres et des insurrections.
À ce climat politique nouveau, où les sociétés se cherchent dans le désordre, s’ajoutent les effets de ce que l’on a appelé la révolution industrielle, qui transforme des sociétés à prédominance paysanne en sociétés à prédominance ouvrière. Comment, dès lors, «gérer» ces phénomènes sociaux nouveaux? Se fait alors sentir dans les milieux intellectuels la nécessité d’un «instrument» permettant de comprendre les mécanismes sociaux et de porter remède à la crise sociale qui perturbe l’Europe?