Porte-parole des héroïnes d’Haïti d’hier à aujourd’hui

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Publié 26/08/2008 par Annik Chalifour

«Ce livre se veut un hommage à toutes les femmes haïtiennes de toutes catégories sociales, lettrées ou illettrées, riches ou pauvres, citadines ou rurales, qui ont participé et continuent de participer activement à la survie de leur pays», commente Marlène Thélumas Rémy, auteure de l’ouvrage intitulé Contribution de la femme haïtienne à la construction et à la survie de son pays, récemment publié chez L’Harmattan.

L’auteure d’origine haïtienne est professeure de sciences sociales, sociologie et psychologie au collège Boréal depuis six ans. Elle y assumera la coordination du programme «Les techniques de travail social» à compter de septembre 2008. Militante active dans le domaine de l’action sociale pour une meilleure condition de vie des femmes en Haïti et ailleurs, elle se confie à L’Express.

«Ayant vécu avec ma mère, j’ai été témoin de sa vie de femme vaillante mais étouffée par tous les personnages masculins de la famille, son père, son mari, ses frères. J’ai vu le potentiel féminin de ma mère et de ma tante disparaître sous l’autorité masculine, exarcerbée par le concept culturel de chefferie ou Lakou en créole, qui désigne le regroupement des membres d’une même lignée. Je rêvais de parler au nom de toutes les femmes de mon pays où le droit de parole n’existait pas.»

Marlène Thélusma Rémy chante le Gospel. À l’époque, elle réalisa un album musical à caractère politique dénonçant le système haïtien. Au début des années 80, l’arrimage de son activisme social prononcé et la situation politique instable en Haïti incitèrent Mme Rémy et son mari à relocaliser leurs quatre enfants aux États-Unis.

Durant la période 1982-1988, l’auteure poursuivit son travail social en Haïti tout en faisait régulièrement la navette entre son pays, les États-Unis, le Canada, et la France où elle était régulièrement demandée pour chanter le Gospel.

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Réfugiée en 1990

En 1990, le mari de l’auteure, agressé par des militaires en Haïti, présenta une demande de statut de réfugié à Montréal qui lui fut rapidement accordée. À compter de 1990, Marlène Thélusma Rémy vécut à Montréal durant 10 ans.

Elle y continua son engagement social en faveur des femmes auprès d’organismes communautaires et de centres de femmes, tout en poursuivant des études universitaires en anthropologie et administration sociale. En Haïti, l’auteure avait déjà complété des études en sciences sociales, ethnologie et psychologie.

«Mon ouvrage est très pointu et très sociologique», dit l’auteure. «Il est le fruit d’un long parcours éducatif en travail social, ethnologie et psychologie, doublé d’un travail de recherche encouru en profondeur depuis les années 80. Il peut à la fois répondre aux questions de professionnels et d’apprentis chercheurs de l’étude des femmes et de la sociologie, et satisfaire la curiosité personnelle.»

La situation de la femme

«Mon livre parle du rôle de la femme considérée au second plan dans la société haïtienne, à travers le vécu de ma mère», dit l’auteure. «En fait on peut parler de paradoxe en ce qui a trait à la situation de la femme en Haïti. Un système matriarcal en milieu rural où l’homme, en tant que pourvoyeur, est placé au premier rang dans la hiérarchie sociale.»

«Aujourd’hui les femmes haïtiennes ont accès aux études supérieures et à des postes politiques. Les hommes n’ont pas d’autre choix que d’accepter cette situation. La société d’Haïti doit suivre les progrès sociaux et économiques. Mais le système socio-économique continue de se dégrader en Haïti. Et les femmes demeurent les plus vulnérables à cette régression économique, surtout celles qui sont peu instruites. On assiste, par exemple aujourd’hui, au phénomène de plus en plus grandissant du viol», poursuit l’auteure.

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«J’ai voulu parler dans mon livre de ma mère et de toutes les femmes haïtiennes que j’ai côtoyées au cours de mon travail social. Mon ouvrage constitue un bilan quantitatif et qualitatif sur l’apport de la femme haïtienne au développement d’Haïti. Je souligne le rôle de moteur des femmes haïtiennes dans le développement de leur pays.»

Héroïnes haïtiennes

«On fait rarement mention des femmes qui se sont battues pour l’indépendance d’Haïti. De l’armée indigène constituée par des femmes du peuple. Je voulais rendre un hommage public à toutes les femmes haïtiennes, gardiennes des valeurs culturelles d’Haïti, pour qu’elles soient reconnues par la société et le gouvernement de notre pays» précise l’auteure.

Plusieurs illustrations d’héroïnes haïtiennes fournies par Alter Presse sont insérées dans le livre. «C’est un voyage imaginaire avec les femmes d’avant et jusqu’au 1er janvier 1804, qui nous rendent compte des luttes qu’elles ont menées aux côtés des hommes, tant sur les champs de bataille qu’au foyer durant toutes les guerres qui ont conduit Haïti à l’indépendance.»

Pour n’en citer que quelques-unes, «la reine Anacaona, d’une ardeur guerrière insoupçonnée, qui a su soulever les indiens en masse pour venger son mari Caonabo.

Victoria Mantou, femme à la voix bien timbrée dont les commandements ressemblent à ceux d’un général, morte en juin 1805.

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Suzanne Louverture, grande agricultrice de talent qui, lorsque son mari devint un personnage public, fut déportée et torturée en France. Durant toutes les années de torture, elle donna une unique réponse: «Je ne parlerai pas des affaires de mon mari avec ses bourreaux.»

Figure la mère de l’auteure, Héloïse Emma Télisma, «celle qui, contre vents et marées, a élevé ses sept enfants, dont moi, l’aînée. Celle qui, avec l’aide de Dieu, m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui. Elle fut parmi les femmes les plus vaillantes et les plus courageuses du pays.»

Encouragement pour les filles

«On oublie, qu’en réalité, le féminisme existe depuis très longtemps en Haïti et dans d’autres pays du sud. Mon livre se veut la voix d’une haïtienne au nom de toutes les femmes haïtiennes. Un incitatif pour les fillettes haïtiennes afin qu’elles poursuivent dans les traces de nos ascendantes en gardant la tête haute. Il s’agit d’un témoignage de mes recherches en Haïti et ailleurs sur les moeurs et les modes de vie des femmes haïtiennes», conclut Marlène Thélusma Rémy.

Marlène Thélusma Rémy vit à Toronto depuis 2000. Elle étudia en sociologie, théologie et psychologie à Glendon de 2000 à 2002. En outre, elle vient de compléter un programme de perfectionnement professionnel en Solution Focus Counseling au Département de Travail Social de l’Université de Toronto.

Le lancement à Toronto de Contribution de la femme haïtienne à la construction et à la survie de son pays de Marlène Thélusma Rémy (auteure) et Marie Carmel Jean-Jacques (préface) aura lieu le 27 août 2008, au ELLAS Banquet Hall, 35 Danforth road, de 17h à 20h. Un vin et fromage sera servi. Le prix d’entrée à été fixé à 16 $. On pourra se procurer le livre sur place au coût de 27 $.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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