Leçons d’une épidémie négligée: la syphilis

Journée mondiale du sida

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La syphilis et ses traitements, par Jan van der Straet (16e siècle). Photo: Bibliothèque nationale de l'Autriche
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Publié 01/12/2023 par Jody Jollimore

L’alarme sonne depuis que l’Agence de la santé publique du Canada a signalé une augmentation de 1271% des cas de transmission de la syphilis à des bébés pendant la grossesse entre 2017 et 2021. On peut prévenir et guérir la syphilis. Par contre, nos efforts pour diagnostiquer et traiter cette infection bactérienne – surtout pendant la grossesse – ne suffisent manifestement pas.

Pour moi et d’autres hommes gais, c’est du déjà-vu. La syphilis, presque éliminée grâce à la pénicilline dans les pays à revenu élevé au cours des années 1950, est restée rare au Canada pendant des décennies.

Puis au début des années 2000, elle a connu un pic sans précédent parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, alors que je commençais à travailler en santé sexuelle.

En l’absence d’une réponse coordonnée de santé publique, des organismes communautaires des domaines du VIH et de la santé sexuelle, sous-financés, ont lancé des initiatives de prévention.

Population marginalisée

En dépit de formidables progrès en matière de sensibilisation et d’accès au dépistage et au traitement, l’épidémie de syphilis au sein d’une petite population marginalisée n’a jamais été suffisamment préoccupante pour mobiliser un effort national sérieux pour éliminer la maladie.

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Cette négligence est injustifiée, mais on comprend que les récentes épidémies de syphilis inquiètent davantage. La syphilis contractée par un fœtus peut être plus dévastatrice et entraîner fausse couche, mortinaissance ou décès du nouveau-né. La syphilis congénitale entraîne aussi un risque accru de complications graves.

Étant moi-même père depuis peu, mon cœur se déchire à la pensée des futurs parents qui reçoivent ce diagnostic ou, pire encore, qui apprennent que c’est la syphilis qui a emporté leur enfant. Mais il n’a pas à en être ainsi.

Pour davantage de soins prénataux

Les experts nous ont montré que des mesures existent pour prévenir tout cela. On pourrait prévenir la syphilis congénitale, si les systèmes de santé proposaient aux futurs parents davantage de soins prénataux, y compris le dépistage de la syphilis et l’éducation en matière de santé sexuelle.

Une étude menée à Edmonton a révélé que le dépistage de la syphilis n’avait fait partie des analyses sanguines prénatales que de 5 mères sur les 16 mortinaissances dues à la syphilis congénitale entre 2018 et 2021.

Pourtant, il est possible de faire encore plus en amont, notamment en s’attaquant aux épidémies dès leur apparition, peu importe la population touchée.

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Vers l’élimination du VIH

En ce 1er décembre, Journée mondiale du sida, voici ce à quoi je pense. Le Canada a atteint ou dépassé deux de ses trois engagements internationaux pour l’élimination du VIH d’ici 2020: diagnostiquer 90% des personnes vivant avec le VIH et parvenir à l’inhibition virale chez 95% des personnes sous traitement.

Du nombre total de personnes vivant avec le VIH au Canada, près des trois quarts ont atteint l’inhibition virale, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas transmettre le VIH à un·e partenaire sexuel·le.

C’est une nouvelle réjouissante, mais je m’inquiète pour le quart des personnes qui n’ont pas atteint l’inhibition virale. Il s’agit des personnes les moins susceptibles d’être arrimées aux services de santé, d’avoir accès à un traitement et de se savoir séropositives.

Les personnes qui ne connaissent pas leur statut sont les plus susceptibles de transmettre le virus. Ce sont souvent ces mêmes Canadiens qui ont le plus grand risque de contracter d’autres ITS, y compris la syphilis.

Redoubler d’efforts

Le verre est rempli aux trois quarts, mais le dernier quart est la portion la plus importante à remplir afin de prévenir de futures épidémies de VIH. Ce n’est pas le moment de se reposer sur ses lauriers – nous devons redoubler d’efforts pour mettre fin au VIH une fois pour toutes.

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Près de 17 000 Canadien·ne·s vivant avec le VIH n’ont pas atteint l’inhibition virale, principalement parce qu’elles ne sont pas en contact avec des services de dépistage ou de traitement.

Tandis que le nombre de nouvelles infections par le VIH continue de diminuer, les personnes laissées pour compte sont de plus en plus souvent des personnes racisées, des femmes ou des Autochtones.

Le meilleur moyen d’inciter les personnes de ces communautés à se faire tester, traiter et soigner est de faire appel à des organismes communautaires en matière de VIH et de santé, c’est-à-dire à des prestataires de services qui font partie des communautés avec lesquelles ils et elles travaillent et qui comprennent leurs besoins.

Pas de complaisance

Leçon claire à retenir de la syphilis: quelle que soit la taille ou la marginalité de la population touchée par une épidémie, la complaisance fait en sorte que la transmission se poursuit et touche d’autres communautés.

Si nous avions répondu adéquatement à la syphilis il y a 15 ans, nous n’aurions peut-être pas connu l’épidémie actuelle.

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Investir maintenant dans un effort sérieux d’élimination permettrait non seulement d’économiser des ressources et des fonds précieux pour les soins de santé, mais surtout de prévenir de nouvelles infections et de nouveaux décès, améliorant ainsi notre santé à toutes et à tous.

On y met fin.

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