La belgitude a le vertige

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Publié 29/07/2008 par Khadija Chatar

Où va donc le plat pays de ce Jacques Brel brûlant? Pays surréaliste à trois morceaux d’où les touristes ne retiennent que ses bandes dessinées, ses pralines, sa bière, ses moules et ses bonnes frites. Une belgitude en crise et qui menace de ne laisser derrière elle que le vague souvenir d’un pays uni… par compromis.

Une stabilité, hélas, hypocrite qui maintenait un pays, depuis son indépendance en 1830, par un unionisme de consensus basé sur la crainte d’être dévoré par la Hollande et/ou la France voisines.

Voilà un pays au bord de la dérive depuis qu’Yves Leterme, le nouveau Premier ministre belge a, il y a deux semaines, décidé de jeter l’éponge en remettant au roi Albert II la démission de son gouvernement de coalition, composé de cinq partis politiques des communautés francophones et néerlandophones.

Le Premier ministre, qui a vu sa démission rejetée, ne parvient pas à défaire ce nœud institutionnel emmêlé et dans lequel les partis flamands réclament une autonomie plus accrue des régions, notamment en matière de sécurité sociale et de fiscalité. Une autonomie qui pourrait être fatidique à la Wallonie francophone et inéluctablement à la Belgique dans son ensemble.

«Pour schématiser disons qu’en Belgique, c’est 60% de Flamands qui se partagent 55% de la richesse; c’est 10% de Bruxellois qui se partagent 30% de la richesse et c’est 30% de Wallons qui se partagent 15% de la richesse. Dès lors, des compétences comme celles de la perception d’impôts et de sécurité sociale, qui sont toujours entre les mains du fédéral, pourraient étouffer la Wallonie si elles bifurquaient vers les régions», explique l’ambassadeur de Belgique au Canada, Jean Lint, au cours d’une conversation avec L’Express.

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Un pays qui aurait atteint ses limites, selon le Premier ministre de cette Belgique qui tenterait, tant bien que mal, de maintenir la danse jusqu’en avril prochain. Ce mois-là, loin d’être banal, est celui des élections régionales de Belgique. Le «timing» parfait pour tirer la sonnette d’alarme, dissoudre ce gouvernement fédéral chavirant, et entreprendre de nouvelles élections fédérales en même temps que les régionales. Un moyen sûr de s’assurer une même représentation politique dans les différents niveaux de pouvoir. Une stratégie d’échiquier où les auteurs négligent, malheureusement, de se concentrer sur les problèmes socio-économiques, dont l’inflation, que connaissent la Belgique. Des problèmes urgents qui n’attendront pas la date butoir d’avril pour plonger davantage le pays dans une crise d’un autre genre. Des crises à répétion. Après les élections de juin 2007, Yves Leterme avait déjà remis une première démission, incapable de former un gouvernent de coalition entre partis flamands et francophones. La Belgique est restée alors sans gouvernement pendant près de neuf mois, plongeant le pays dans une crise politique historique. Un pays qui a malgré tout continué à fonctionner grâce à un gouvernement provisoire improvisé par l’ancien Premier ministre Guy Verhofstadt.

Ce pays miniature, à monarchie constitutionnelle et parlementaire, a, de nouveau, sonné le glas de cette fragile unité. Pourquoi donc une telle crise dans un pays qui a choisi par le passé de s’unir? S’agirait-il d’une vieille rancune mal digérée de cette Flandre «paysanne et superstitieuse» narguée par cette Wallonie «bourgeoise et laïque» de l’époque industrielle?

Aujourd’hui, cette Flandre riche et puissante menace de nouveau de divorcer de cette Wallonie pauvre et sinistrée, depuis la fin de ses houillères et de sa sidérurgie. Une guerre politique dans un pays dont les dirigeants semblent oublier l’importance stratégique de son coeur, Bruxelles, capitale, oui, mais… de toute une Union européenne.

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