Leonardo da Vinci: un génial touche-à-tout

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Publié 17/06/2008 par Gabriel Racle

Pour célébrer le 50e anniversaire du Traité de Rome, Europa 50 et Collections et Patrimoine avaient organisé à Bruxelles, fin 2007-début 2008, une grande exposition consacrée à Leonardo da Vinci, Génie européen. Les expositions consacrées à Léonard de Vinci sont rares et, en sortant de celle-ci, on ne peut que souscrire au titre donné par le commissaire de l’exposition à sa préface du catalogue Léonard: une grande figure universelle.

Pour mieux le comprendre, il faut replacer Léonard dans le contexte de son époque, le rinascimento italien du XVe siècle, que l’on traduira en français par la Renaissance. C’est «une période d’intense agitation dans l’univers artistique et intellectuel, avec de nouvelles formes dans la poésie, la musique, la théorie politique et les expériences scientifiques», de dire J-C. Hubert dans Un homme de la Renaissance italienne (catalogue de l’exposition). Et, pour citer Eugène Müntz dans son Histoire de l’art pendant la Renaissance, «la découverte du monde et de l’homme… [est un] des traits qui caractérisent ce mouvement admirable.»

Léonard de Vinci s’inscrit parfaitement dans cette période de rénovation comme peintre, sculpteur, orfèvre, musicien, architecte, physicien, astronome, savant, botaniste, anatomiste, tout autant qu’inventeur, ingénieur militaire ou mécanicien, urbaniste, visionnaire et grand observateur de la nature.

Léonard est né le 15 avril 1542 en Toscane, près du village de Vinci dont il portera le nom, car il est le fils naturel d’un notaire et d’une paysanne. Il ne sera admis, sans être reconnu, dans sa famille bourgeoise, qui comptera 10 frères et deux sœurs après quatre mariages de son père, qu’en 1547. Son éducation est soignée, notamment en grammaire et en calcul. Sa famille déménage à Florence en 1566.

Il dessine des caricatures et, en gaucher, écrit à l’envers en dialecte toscan. Il travaille comme apprenti dans l’atelier de Verrochio, sculpteur, peintre, orfèvre et architecte qui s’est distingué à la cour de Laurent de Médicis, dit le Magnifique. Il y acquiert une formation pluridisciplinaire (peinture, sculpture, travaux de décoration). C’est de cette époque que datent ses premières toiles, comme La Madone à l’œillet, L’Annonciation ou l’Adoration des mages en 1481.

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La suite de sa vie est marquée par une succession de déplacements, notamment à Milan où il s’occupe, entre autres, d’architecture militaire, d’horloges, de métiers à tisser, de grues ou d’architecture, tout en peignant. Célèbre, il parcourt le nord de l’Italie, appelé par exemple par César Borgia comme architecte et ingénieur militaire pour défendre les territoires conquis par le fils du pape Alexandre V.

Mais à Rome, il est évincé de la décoration artistique des édifices du pape, où triomphent Raphael et Michel-Ange. Il retourne à Florence, à Milan et accepte en 1516 l’invitation de François Ier de s’installer en France. Léonard quitte l’Italie avec trois tableaux, La Joconde, Sainte Anne et Saint Jean Baptiste. Le roi l’installe au Clos Lucé, à Amboise, sur les bords de la Loire. Il est nommé «premier peintre, ingénieur et architecte du roi».

À sa mort, en 1519, il lègue ses notes techniques à Francesco Melzi, son élève et compagnon fidèle, afin qu’elles soient publiées et rendues utiles au plus grand nombre. Ce qui ne se fera que quatre siècles plus tard. Ces carnets, les célèbres codex, dispersés un peu partout, montrent un Léonard passionné de technique.

Tous les domaines de l’industrie ont profité de son génie: textile, transports, engins de levage, machines à vis, à poulie, à crans, moulins, pompes, scies, marteaux mécaniques, appareils de transmission, horloges, crics, palans, appareils à déplacer ou à soulever les fardeaux, machines à raboter, à scier le bois, la pierre, le marbre, à tisser, à filer, bateau dragueur, système de barrage avec écluses, bombes explosibles, canons se chargeant par la culasse. Il dessine d’abord les machines existantes, puis cherche à les améliorer, lorsqu’il n’en invente pas de nouvelles.

D’après ses croquis, on a pu construire des maquettes capables pour certaines de fonctionner.

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On ne saurait détailler ici tous les centres d’intérêts de Léonard, comme celui qu’il porte à l’anatomie dans un but artistique, à une époque où l’on redécouvre le nu antique et où les artistes étudient le corps humain. Léonard dissèque des cadavres dans les hôpitaux de Florence et de Rome, et fait des croquis précis des muscles humains, tout en cherchant à comprendre le rôle des organes. Intuitivement, il se demande «si le sang qui quitte le cœur par l’artère pulmonaire revient de nouveau au cœur» (la circulation sanguine ne sera pourtant découverte qu’en 1628).

Ses nombreux dessins valent une fortune: en 2001, une feuille représentant un cavalier s’est vendue à Londres près de 13 millions de dollars. Dans ses collections, la reine Élizabeth en possède des centaines, abordant tous les sujets, anatomie, botanique, hydraulique, mécanique, géologie.

Mais ce sont ses tableaux – on en connaît 15 – qui ont fait et font toujours sa renommée: La Vierge au fuseau, La Vierge aux rochers, La Cène, une œuvre monumentale de 8,8 m par 4, 6 m, qui recouvre le mur du réfectoire d’un couvent de Milan, sont parmi les plus célèbres, avec La Joconde. Cette huile sur bois de peuplier, qui applique la technique du sfumato, un teint nébuleux, dont on a découvert récemment qu’il est un mélange de techniques italienne et flamande, a longtemps intrigué par son sourire.

Ce serait celui d’une jeune mère qui vient d’avoir son enfant. L’an dernier, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a dévoilé les résultats d’une étude commanditée par le musée du Louvre. Réalisée grâce à un système de balayage laser sophistiqué, en couleurs et en trois dimensions, elle a permis de découvrir que Mona Lisa del Giocondo était enveloppée d’un «voile de gaze» fine et transparente, attaché à l’encolure du corsage. Un tel voile était porté à l’époque par les femmes enceintes ou venant d’accoucher.

Mais la grande surprise de l’exposition de Bruxelles, c’est un autre tableau qui, d’après les spécialistes peut faire de l’ombre à La Joconde, et n’avait jamais été montré en public: Marie-Madeleine. C’est une huile sur bois de peuplier datant de 1515, provenant d’une collection privée, attribuée d’abord à un élève de Léonard, mais authentifiée par des spécialistes et notamment le professeur Carlo Pedretti, expert mondial de Léonard, qui déclare: «J’accompagne Léonard depuis tant d’années que je sais quand il intervient. Ici, je suis sûr que la facture va bien au-delà de ce que pouvait faire son meilleur élève.»

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Léonard de Vinci n’a guère peint de nus féminins. Carlo Pedretti croit savoir que le commanditaire le voulait expressément. «Il avait demandé une femme. Une peinture religieuse, bien sûr. Mais une qu’il pouvait embrasser. Marie-Madeleine s’imposait. Le peintre a même gommé le vase que Marie-Madeleine tient dans la plupart de ses représentations.» Le fascinant regard amoureux de Marie-Madeleine a-t-il inspiré le Da Vinci Code?

«Le génie de Léonard de Vinci tient tout entier dans la devise qu’il s’était choisie: Ostinato rigore. C’est cette rigueur obstinée qui lui aura permis de devenir le phare de l’humanité.» (Jacques Broun, Leonardo da Vinci, Bruxelles, 2007).

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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