Difficile de croire que cela fait près de 15 ans que je m’adonne à l’exercice du bilan de fin d’année. Avec le temps, la volonté de cerner les tendances ou d’asséner des verdicts a cédé à un impératif plus modeste, personnel et honnête, celui du plaisir. Et si le cru 2005 a été plutôt chiche en grands plaisirs, il nous est néanmoins possible, en ratissant assez large, d’en retenir un certain nombre de petits bonheurs, sur lesquels il convient de revenir ici. Libre à vous d’y voir une liste de suggestions-cadeaux, que ce soit pour vous-mêmes ou pour les mélomanes dans votre vie. Bonne écoute et… bonne année!
Bïa – Cœur vagabond / Coração vagabundo (Audiogram)
Bïa concilie ses deux identités: brésilienne (de souche) et québécoise (d’adoption) en adaptant sept chansons françaises en portugais (ainsi, Bille de verre de Rivard et Le Forestier devient Estrela do Mar, tandis que L’eau à la bouche de Gainsbourg devient Ãgua na boca). Juste retour des choses, sept classiques brésiliens signés Chico Buarque, Caetano Veloso, Chico Cesar, Djavan et Cie se voient francisés le plus naturellement du monde, comme le faisait naguère Pierre Barouh. Résultat: un disque que les amoureux de bossa – et de chanson – recevront comme une caresse évanescente.
Robert Charlebois – Tout écartillé (La Tribu / Unidisc)
Malgré leur tonus et leur haute fidélité, la grosse poignée de classiques que Charlebois avait réenregistrée sous forme de best of il y a une dizaine d’années nous avait laissés un peu sur notre faim, comme quoi l’âme de ces chansons reposait dans la conjoncture assez particulière qui les avait vu naître.
Et l’éternelle Maudite Tournée semblait avoir enfoncé le clou. Car il faut le dire: rien ne remplace Charlebois en V/O, tant pour les folies improvisatoires du Jazz libre du Québec que pour les envolées de Louise Forestier (ah, ce California!) au service d’une musique à la fois ludique et dangereuse. En quatre cd, 58 chansons et 36 ans de carrière, Tout écartillé réitère, si c’était nécessaire, l’importance – et l’impact révolutionnaire – du vrai Garou.
Jean-Pierre Ferland/Artistes divers – Jaune / Jaune 2005 (GSI Musique / Sélect)
Que faut-il en penser? D’une part, le projet de remixage de Jaune 2005 peut être perçu comme symptomatique d’une panne d’inspiration en matière de chansons, contraignant les nouvelles générations à exploiter, par le biais des nouvelles technologies, le répertoire de leurs prédécesseurs.