Le théâtre francophone se met en scène

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Publié 08/04/2008 par Ulysse Gry

«Notre culture n’est pas sur le trottoir!», lance Robert Marinier comme point de départ de la discussion. Une table ronde minuscule trône au milieu des quatre intervenants, prétexte idéal aux envolées théâtrales sur l’importance du théâtre francophone au Canada. Paulette Collet, Roch Castonguay, Joël Beddows et Robert Marinier étaient invités par le TfT lundi 31 mars pour mener, dans le cadre des Lundis du 40e anniversaire du Théâtre francophone de Toronto (TfT), une réflexion animée sur la place et l’avenir du théâtre de langue française à Toronto.

«Non, notre culture est dans la maison, finit le dramaturge Robert Marinier, car on est minoritaire.» De ces quelques mots, lancés presque à la dérobée, naît une discussion de presque deux heures sur la place du théâtre francophone à Toronto. Une conversation entre gens de théâtre, forcément enjouée, devant un public très participatif malgré son nombre restreint.

Car finalement, si la culture francophone en situation minoritaire a quelquefois du mal à trouver sa place, le théâtre lui en offre une de choix. Normal, pour un espace qui par définition est un instrument de représentation… et aussi de rêve.

Sylvie-Anne Jeanson, l’animatrice du débat, pose une simple question: Après tout, à quoi sert le théâtre? La discussion part alors dans tous les sens et dénude complètement le théâtre, dévoile ses moindres secrets.

Le grand rideau tombe sur sa dimension réflective des aspirations d’une communauté, sa capacité unique à projeter sur scène l’âme de la collectivité et enfin son aptitude à réunir les créateurs les plus inventifs. «C’est le carrefour des créateurs, conclut le comédien Roch Castonguay, il y a tellement de sphères de travail dans le théâtre.»

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«C’est ce qui m’a permis d’apprivoiser ma langue», ajoute-t-il. Paulette Collet, qui a longtemps hésité entre théâtre et enseignement, reconnaît dans son autobiographie qu’«après tout, il faut être un peu acteur pour être un bon enseignant.» Et ajoutait ce lundi 31 mars que «le meilleur instrument d’apprentissage du langage, c’est bien sûr la scène». Un théâtre révélateur, rêveur et créateur: bref, là où tout commence.

Au fil de la discussion, on en vient ainsi à parler du passé. Le temps pas si lointain où le théâtre portait seul ou presque le rôle de représentation de la communauté. Et dans une précarité encore plus grande qu’aujourd’hui. Puis la télé est arrivée et lui a enlevé une part de cette responsabilité. «Ça aère, reconnaît Roch Castonguay. Alors aujourd’hui on ne crie plus sur les planches, on veut dire.»

Soufflée par une spectatrice, la réflexion se penche sur ce message que donne ce théâtre francophone, devant une francophonie de plus en plus diversifiée. «En cherchant à plaire à tout le monde, rappelle-t-elle, on n’est plus authentique. On devient un organisme communautaire, mais il vaut mieux rester un organisme artistique!»

Le débat repart alors de plus belle, et en vient à l’idée simple mais juste qu’il faut faire participer les représentants de la diversité à la création. Et pas seulement créer pour leur plaire, avec ses propres canons, inévitablement. Bref, défonctionnariser le théâtre, ouvrir ses portes et dépoussiérer le parquet.

«C’est comme ça qu’une communauté s’affirme, entend-t-on dans le public.» La scène comme catalyseur de la vie communautaire, comme reflet de sa propre existence: se voir pour se vivre.

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«Les textes résonnent suivant leur pertinence sociale, ajoute Roch Castonguay, selon leur sens dans la société.» D’où l’importance fondamentale du théâtre pour la communauté francophone, d’ailleurs très vite appelé lors de la discussion «la maison». Un simple lieu pour trouver sa place, en somme.

La volonté de se doter d’une salle uniquement pour le théâtre francophone à Toronto jaillit enfin. «Le Canada devrait de toute façon s’en doter, affirme Robert Marinier, pour montrer ce que fait la francophonie dans tout le pays.» Un rêve possible selon le metteur en scène Joël Beddows, qu’il suffirait juste de «cristalliser»: «quand un projet paraît être gagnant, les gens suivent, c’est tout!» Tout projet commence par un rêve, semble-t-il, il suffit juste d’y croire.

Paulette Collet, 40 ans de théâtre français à Toronto, Mississauga, AnthropoMare, 2006, $28.30

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