Entre hygiénisme et eugénisme il n’y a que quelques lettres, et un gouffre mortuaire. Le musée des beaux-arts du Canada (MBAC) proposera en juin une rétrospective sur l’art dans les années 1930, et montrera à travers une pléthore de tableaux des plus grands artistes mondiaux la relation qu’entretient l’art avec le souffle de son époque. Un souffle froid qui annonçait un temps menaçant, une prémonition à l’engouement pour la génétique.
«La beauté sera convulsive ou ne sera pas.» Jean Clair, commissaire de l’exposition et ancien directeur du Musée Picasso de Paris, cite André Breton pour exprimer ce que l’art ressentait et pressentait dans les années 1930.
Un art témoin d’une époque tiraillée par des changements trop brusques et habité par la venue imminente d’une nouvelle guerre, d’une ère sombre où la biologie règnerait sur le chaos. L’attente d’un accouchement monstrueux.
À travers les œuvres d’artistes incontournables comme Dalí, Picasso, Rivera, Miró, Jean Arp, Max Ernst, Walker Evans, Vassily Kandinsky, Alberto Giacometti et bien d’autres, le Musée des beaux-arts du Canada «explore le lien entre l’art et la biologie à l’époque où celle-ci devient une force motrice, mais aussi, souvent, une puissance destructrice». Au service des totalitarismes allemand, italien et même soviétique, dans leur volonté véreuse et insensée de créer un «Homme nouveau».
La puissance créatrice, qui jaillit de la terre des hommes, se développa dans cet air d’apocalypse. On y voit alors des paysages d’outre espace, des corps amorphes et difformes et des ciels ténébreux.
La dissection de l’homme et du temps par des artistes visionnaires et hantés par cet eugénisme effroyable, que le troisième Reich qualifiera vite de «malades mentaux». Entre artiste et autiste, il y a peu il est vrai, une lettre, mais qui peut ainsi les faire approcher l’essence de leur époque et les rendre aux portes de la compréhension.