Avant même qu’on n’ait tamisé les lumières du Music Hall de l’avenue Danforth, lundi dernier, avant même que sa silhouette d’éternel garçon manqué ne se découpe du clair-obscur de la scène, sautillant parmi ses trois jeunes musiciens tout de noir vêtus, une chose était claire: Jane Birkin n’aurait pas à faire des pieds et des mains pour conquérir son public à l’occasion de ce tout premier passage torontois. Ce public – majoritairement francophone, à en juger par les échos provenant de la salle – lui vouait déjà une adulation inconditionnelle.
Mais qui était-on venu applaudir au juste? L’interprète à la voix porteuse de mille frissons, l’icône sixties par excellence ou la muse mi-perverse, mi-ingénue de Gainsbourg? Les trois, sans doute, puisque chez Jane B., ces multiples identités ont toujours fait bon ménage.
Et tout au long de cette soirée placée sous le signe de la complicité, sa démarche, tant vis-à-vis de son répertoire que de son public, était marquée par un même souci d’équilibre: entre passé et présent, entre l’anglais et le français, entre le très familier et l’inconnu.
Bref, nous avons eu droit à une bonne dose de classiques, de L’aquoiboniste à Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve et, dans un registre plus léger, le joliment biographique Di Doo Dah. Nous avons eu droit à une nouvelle chanson signée Birkin (Aung San Suu Kyi), accompagnée d’une harangue passionnée sur la tragédie birmane, une cause qu’elle a fait sienne.
Nous avons eu droit à quelques morceaux anglais puisés au meilleures sources (Alice, de Tom Waits, Home, du groupe anglais Divine Comedy), qui démontrent la justesse de son jugement artistique. Et surtout, Birkin a pris soin de donner une place de choix à certaines œuvres créées par quelques plumes en vogue (Zazie, Chamfort, Mickey 3D, Gonzales), lesquelles tentaient, chacune à sa façon, de recréer un peu de la magie du tandem Gainsbourg-Birkin.