Dans le meilleur des mondes journalistiques – un monde qui ne serait pas soumis à la dictature des échéances et de l’actualité – j’aurais pris six mois d’écoute et de réflexion avant de vous parler d’Effusions (Disques Présence/Sélect). Cela m’aurait permis de distiller mes propres effusions à son égard, mais aussi de donner au plus récent album de Diane Dufresne le temps de meubler cette saison introspective qui est à nos portes, et pour laquelle il semble avoir été fait.
Rares sont les disques qui justifient un tel recul, mais celui-là en fait partie. Fruit d’un long cheminement personnel et professionnel, d’heureuses rencontres et de réflexions parfois douloureuses, Effusions vogue bien au-dessus de la médiocrité à laquelle la chanson, dans sa quête de gratification instantanée, nous a trop souvent habitués.
De par sa façon de tourner le dos aux paramètres de la pop (pas le moindre hook radiophonique à l’horizon), Effusions pourrait être vu comme le second chapitre d’une démarche entreprise lorsque Yannick Nézet-Séguin eut l’idée d’inviter Dufresne à prêter sa voix à une poignée de chansons de Kurt Weill et Bertolt Brecht.
Cette fois, c’est un autre musicien de formation classique, Alain Lefebvre, qui tient lieu d’accoucheur, en prêtant ses élans pianistiques à six chansons de l’album.
Plus encore que chez Weill et Brecht (qui étaient, rappelons-le, des hommes de théâtre), cette nouvelle collaboration se rapproche de la tradition du lied classique telle que l’incarnaient Schubert ou Brahms: avec leurs longues mélodies dont les contours échappent à une oreille distraite, des chansons comme Si tu crois (texte de Jean Laforest sur une mélodie d’André Mathieu, le compositeur-fétiche de Lefebvre) ou encore J’t’aime plus que j’t’aime (co-signé par Dufresne et Marie Bernard) ne livrent toute leur substance mélodique et poétique qu’au terme d’écoutes répétées.