Quelle est l’efficacité réelle du confinement?

Plusieurs questions restent en suspens

Sévère ou non, combiné à d’autres mesures ou pas, le confinement a des impacts négatifs sur la santé physique et psychologique des populations. C’est la raison pour laquelle établir quelles mesures plus ciblées fonctionnent le mieux devient important, spécialement dans la perspective d’une deuxième vague… ou de la prochaine pandémie.
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Publié 25/08/2020 par Catherine Couturier

Le confinement n’a-t-il «servi à rien», comme plusieurs commentateurs le proclament haut et fort? S’il a certainement aidé à aplatir la courbe de propagation de la CoViD, il reste délicat de mesurer l’effet exact de chaque mesure. Plusieurs questions restent en suspens.

Comment définir le confinement?

La première difficulté pour les chercheurs est que «confinement» ou, en anglais, lockdown, n’a pas eu la même signification partout.

La plupart des pays ont fermé les écoles et certains lieux de travail non essentiels, mais d’autres ont aussi limité le nombre de sorties quotidiennes des citoyens et leurs déplacements.

Tout au plus les chercheurs peuvent-ils utiliser une date comme point de départ, celle à partir de laquelle une grande partie des citoyens d’un pays donné a vu sa mobilité réduite et, avec elle, le nombre de contacts quotidiens.

Les mesures ont-elles été efficaces?

En juin, des scientifiques de l’Imperial College de Londres ont publié une analyse des principales mesures prises dans 11 pays d’Europe. Dans le jargon de la santé publique, il s’agit des «mesures non pharmaceutiques», que l’on veut donc distinguer de toutes les formes de traitements médicaux employés pendant la pandémie.

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Leur conclusion: l’ensemble de ces mesures aurait évité 3,1 millions de morts entre le mois de février et le 4 mai (moment où les politiques de confinement ont commencé à être levées), et le confinement à grande échelle aurait eu l’effet le plus important.

Toutefois, les auteurs n’ont pas pu évaluer séparément l’impact des différentes mesures, plusieurs ayant été implantées simultanément: par exemple, ils ne peuvent pas affirmer si la fermeture des écoles et des commerces a permis de sauver plus de vies que la distanciation sociale, ou vice-versa.

L’impact à mesurer: le taux de contagion

La clef de la réussite de toute mesure repose sur un chiffre moins souvent cité que le nombre de morts, le taux de contagion, qu’on appelle aussi le taux de reproduction du virus: un taux de 3, par exemple, signifie que chaque malade en contamine en moyenne 3 autres.

Selon les chercheurs du Collège impérial de Londres, les différentes mesures combinées ont permis, pendant ces quelques semaines, de faire baisser le taux de reproduction, qui était à 2 ou 3 selon les pays européens, à moins de 1. Autrement dit, estiment-ils, sans ces mesures, le virus aurait continué de se multiplier de manière exponentielle, d’où leur «pronostic» de 3,1 millions de morts de plus.

Beaucoup d’autres équipes se sont penchées spécifiquement sur ce taux de reproduction. Par exemple, une étude néo-zélandaise qui avait comparé les chiffres de 25 pays ou provinces avait conclu dès avril qu’entre le début de la pandémie sur chaque territoire donné et la mi-avril, les différentes mesures avaient permis des réductions du taux de reproduction variant de 40% (en Ontario) à 80% (au Québec et dans l’État de New York).

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Mais là non plus, l’intention des chercheurs n’était pas d’évaluer l’impact séparé de chaque mesure.

Peut-on classer les mesures par leur degré de sévérité?

Pour arriver à distinguer l’impact de chaque mesure, certains proposent de les classer par leur degré de sévérité: par exemple, entre le lockdown complet imposé à Wuhan et les mesures «recommandées», mais pas «imposées», dans plusieurs États américains.

Serait-il alors possible de développer une formule mathématique permettant d’observer comment l’addition ou la soustraction d’une mesure affecterait le taux de contagion du coronavirus?

Des chercheurs de l’Université d’Oxford ont créé une telle formule, utilisant neuf variables: fermeture des écoles, restriction du travail, interdiction de rassemblements et contrôles aux frontières, etc.

Les données semblent bien pointer vers une relation entre la sévérité de ces mesures et la diminution des décès : autrement dit, plus l’indice de sévérité d’un pays est élevé, moins nombreux sont les décès.

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Mais là encore, départager l’effet de chaque mesure reste une tâche extrêmement complexe — à supposer qu’elle soit réalisable. Pour Hong Kong, comme pour Wuhan ou l’Italie, les chercheurs n’ont pas réussi à démêler les effets des différentes mesures adoptées — sans parler de l’impact des changements de comportements volontaires.

Une étude parue le 16 juin dans le Lancet a proposé une modélisation des effets de différents scénarios, dont le traçage, la distanciation physique, l’isolation, le dépistage: sa conclusion est que la combinaison de l’isolation et du traçage systématique serait plus efficace pour réduire la transmission que le dépistage de masse et l’auto-isolation.

Cette efficacité serait améliorée lorsque combinée à des mesures de distanciation physique (réduction des contacts au travail, limitation des contacts à l’intérieur de la maison, du travail ou de l’école).

Un facteur-clé: agir tôt

Plusieurs chercheurs se sont également penchés sur l’importance du facteur temps dans l’équation. Ainsi, certains pays, comme la France, ont appliqué des mesures strictes de confinement très rapidement, alors que d’autres, comme la Grande-Bretagne, ont mis du temps à appliquer des mesures plus sévères.

Une étude publiée en mai par trois chercheurs indiens et comparant l’impact du confinement dans une quinzaine de pays d’Europe et d’Asie conclut à une réduction des taux d’infection de 61% à 43% dans la semaine suivant l’entrée en vigueur du confinement. Elle ajoute aussi que les pays qui ont implanté ces mesures plus tôt sont ceux qui s’en sont mieux sortis.

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Une autre étude, parue dans Nature le 1er juillet, a tenté pour sa part de modéliser l’impact des mesures adoptées de manières inégales dans les différents États des États-Unis. Les auteurs ont ainsi conclu que la distanciation physique et le confinement seraient plus efficaces lorsqu’implantés plus tôt, mais que la mise en quarantaine des personnes infectées serait la mesure ayant le plus grand impact.

Tous les confinés ne sont pas égaux

À l’aide de données rendues publiques par la Santé publique de Toronto, des journalistes du Star ont par ailleurs fait ressortir une tendance: le confinement à Toronto a protégé les quartiers les plus riches et blancs de la métropole, mais n’a pas eu le même effet dans les quartiers racialisés et pauvres.

Dans les 20 quartiers les plus blancs et riches, la courbe s’est aplatie presque instantanément. Les journalistes remarquent que les habitants des quartiers plus aisés ont plus de possibilités de pouvoir travailler de la maison.

La même logique vaut à l’international: le confinement à grande échelle est plus difficile à imposer dans les pays en développement, comme ça s’est avéré le cas en Inde.

Le confinement est-il la seule solution? Non!

Si le confinement strict a bel et bien été efficace, est-ce que d’autres approches auraient pu être adoptées?

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C’est que le confinement reste une solution de dernier recours en santé publique. La préparation et la réaction rapide auraient peut-être pu éviter le confinement à grande échelle.

L’anthropologue Carlo Caduff avance que le confinement n’est pas nécessairement une réponse au virus, mais une décision politique, qui résulterait notamment du manque de financement chronique des infrastructures publiques et de santé.

On voit d’ailleurs que certains pays ont rapidement endigué les cas grâce à une réponse rapide. La Corée du Sud par exemple, a contrôlé son épidémie sans imposer de confinement, mais a eu recours à un isolement très strict des personnes infectées, doublé d’une politique de traçage massif des contacts et d’une vaste campagne de tests de dépistage.

Au Japon, les instances politiques n’ayant pas l’autorité pour imposer un confinement strict, l’approche a plutôt été basée sur le changement de comportements (se laver les mains, adopter une étiquette respiratoire), en plus du dépistage des cas et de la restriction volontaire des contacts sociaux. Mais comme ces mesures incitatives ont été mises en place très tôt, avant même le premier cas déclaré, elles ont eu un effet protecteur marqué.

D’autres pays asiatiques (Singapour, Taïwan, Hong Kong), qui n’avaient pas oublié l’épidémie de H1N1 en 2009, ont aussi instauré très tôt des mesures de distanciation sociale personnalisées, de dépistage et de traçage, avec les mêmes résultats positifs.

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