Un homme, une femme… et l’impossibilité de vivre à deux. Encore moins en famille. Asile de fous, le dernier roman de l’écrivain fran-çais Régis Jauffret, s’est mé-rité le Prix Femina le 7 novembre à Paris. Déploré par certains pour son pessimisme inhérent, Asile de fous a néanmoins été applaudi par la critique en France, avant d’être ré-compensé par ce jury expressément féminin.
Le roman de Régis Jauffret fait remonter à la surface les identités ambiguës et complexes qui composent le couple et son plus proche ennemi: la cellule familiale. L’histoire, celle de la séparation de deux amants fatigués l’un de l’autre, pour-rait être on ne peut plus banale. C’est sans compter les secrets de famille, les frustrations latentes et les névroses sousjacentes que la rupture va faire éclater au grand jour.
Gisèle tourne en rond, seule, dans un appartement qu’elle voudrait bien quitter. Le père de Damien, venu réparer un robinet, lui annonce au passage que son fils désire rompre avec elle. Il en profite pour la noyer sous un flot de pa-roles à la fois absurdes, blessantes et tragi-comiques.
À ce portrait d’un père qui, en catimini, avoue qu’il coucherait bien avec sa belle-fille vient s’ajouter celui d’une mère possessive qui hait Gisèle pour lui avoir ôté l’amour de son fils unique. L’enfer, c’est les autres, dirait Jean-Paul Sartre, la famille, ses mesquineries, ses coups bas assé-nés savoureusement quand tout va mal.
Tout au long du récit, le rythme, les dialogues, les mots s’accélèrent pour retranscrire la folie intérieure des personnages. Humour noir et sens du détail, prose implacable et incisive: Régis Jauf-fret est passé maître dans l’art d’une écriture moderne et hallucinée qui porte au grand jour les facettes les moins reluisantes des êtres, leurs petites et leurs grandes bassesses.