50 ans de bilinguisme de façade au Collège Glendon

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Publié 26/11/2015 par Éric Desrochers

François Bergeron signe une entrevue avec Donald Ipperciel, principal du Collège universitaire Glendon, où l’administrateur en chef de l’institution soulignait que les francophones du Centre-Sud-Ouest n’ont pas besoin d’une nouvelle université franco-ontarienne, car Glendon répondait déjà à leurs besoins. Étant moi-même étudiant à ce campus, je crois qu’il est essentiel d’apporter quelques corrections aux propos du principal, qui peint un portrait linguistique beaucoup plus rose que ce que nous vivons réellement sur le terrain.

Si je salue les bonnes intentions de M. Ipperciel, qui dit vouloir augmenter l’offre de cours et de programmes en français à Glendon, il faut cependant noter que les bonnes intentions ne suffisent pas à elles seules à contrer l’assimilation qui a lieu sur ce campus universitaire dit «bilingue».

Depuis un demi-siècle, Glendon a eu pleinement le temps de se réformer pour mieux répondre aux besoins des francophones, mais en vain. Chaque quelques années, on nous fait des promesses comme quoi le campus fera mieux, mais il faut se rendre à une évidence: les problèmes d’assimilation des étudiants francophones, de vie étudiante unilingue anglaise, de cours en français annulés, de corps professoraux majoritairement anglophones, d’absence de gouvernance par et pour les francophones sont des problèmes structuraux auxquels les universités bilingues sont incapables de répondre et dont nous ne ferions pas face si nous avions NOTRE université de langue française.

Si M. Ipperciel tient tant à vanter les mérites de Glendon, je lui rappellerai certaines choses. Même si nos jeunes sont souvent «des bilingues et des biculturels» comme il le dit, il faut se rappeler qu’ils ont fréquenté des institutions francophones de la maternelle à la 12e année. Il est donc de toute importance que le système universitaire soit francophone si l’on veut renverser les tendances de l’assimilation dans le Centre-Sud-Ouest.

Le vrai bilinguisme, comme le sait tout francophone, ce n’est pas le bilinguisme institutionnel qui se résume essentiellement à de l’anglais et du français mal traduit, ou encore, au «français de Glendon» qui constitue un bilinguisme de surface où l’on ajoute un «Bonjour» et un «Merci» et quelques mots en français ici et là, question de dire qu’on s’essaye, tout en évitant de faire peur aux anglophones.

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Ce qui est clair c’est que les Franco-Ontariens, surtout dans le Centre-Sud-Ouest, sont bilingues au niveau individuel, même quand ils ne font que fréquenter des établissements francophones. En effet, ce sont ceux qui fréquentent les établissements francophones qui sont le plus bilingues et qui s’assimilent le moins. Les écoles et collèges bilingues étaient autrefois des foyers d’assimilation, raison pour laquelle on décida de mettre en place nos institutions francophones. Soyons donc clairs et inspirons-nous de nos expériences passées: être «bilingues» et «biculturels» dans une institution bilingue, ça mène à l’assimilation.

Par ailleurs, même les anglophones et francophiles à Glendon sont malmenés. Le programme d’apprentissage du français comme langue seconde est considéré par la plupart des anglophones comme un aspect négatif de leurs études à Glendon, car ils ne réussissent pas à atteindre un bilinguisme de haut niveau. La majorité de mes collègues ne veulent que s’en débarrasser le plus rapidement possible pour avoir leur certificat de bilinguisme. Même ceux ayant fréquenté l’immersion française se plaignent que leur français s’est empiré depuis qu’ils fréquentent Glendon.

M. Ipperciel dit ne pas voir «comment on peut penser créer une université franco-ontarienne sans l’appui enthousiaste du milieu universitaire franco-ontarien [sic] actuel». Je lui répondrais toutefois que ce n’est pas à la communauté d’obtenir l’appui d’institutions anglo-dominantes qu’elle ne gouverne pas pour légitimer ce grand projet de société, mais bien à ces institutions de voir en quoi elles pourraient appuyer l’établissement de cette institution francophone légitime et souhaitable pour le développement et l’épanouissement à long terme de notre communauté.

Si ce n’est pas chez eux qu’on peut trouver appui, cela en dit long à quel point ces institutions sont déconnectées de nos milieux et comprennent mal les réalités des francophones vivant en milieu minoritaire. D’ailleurs, s’ils nous connaissaient, ils nous sauraient un peuple qui sait se battre pour ses institutions, et qui, tôt ou tard, aura son université.

Si M. Ipperciel et ses administrateurs s’opposent si farouchement à ce projet, ce n’est pas parce qu’ils croient réellement que les étudiants et les professeurs ne participeraient pas à la construction d’une nouvelle université ou que cette institution ne pourrait pas être le pôle de rayonnement de la francophonie torontoise, ontarienne et internationale. C’est que Glendon, comme plusieurs universités, a adopté une logique marchande de l’éducation et souhaite protéger ses intérêts économiques, ses subventions et ses effectifs, et voit en toute nouvelle institution une menace à sa marge de profit.

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Les institutions bilingues sont désuètes, les reliques d’une époque où nous n’avions pas nos écoles, nos conseils scolaires et nos collèges, d’une époque où on nous disait encore «Speak White». Il nous faut désormais la complétude institutionnelle, et nous l’aurons.

Vers la fin de son article, François Bergeron parle de l’abolition du poste de coordination culturelle pour des raisons budgétaires. Cela en dit beaucoup sur les priorités des institutions bilingues et sert d’excellent constat: dans une institution bilingue, «cash is king», pis le reste est secondaire, même si ça veut dire être «bilingual»
plutôt que bilingue.

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