Quand la pollution chinoise migre aux États-Unis

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 17/07/2007 par Jeff Bernard (The Associated Press)

Suie, poussières, substances chimiques… Le sommet du Mount Bachelor, à 2 740 mètres d’altitude, baigne dans un air qui compte parmi les plus purs des États-Unis et pourtant on y trouve des particules de pollution venues d’Asie, notamment de Chine.

Dans un abri au sommet de cette montagne de l’Oregon (Ouest des États-Unis), Dan Jaffe montre à ses étudiants des taches noires décelées à l’aide d’un instrument scientifique dans la neige. «Certaines de ces particules viennent d’Asie», souligne le professeur de l’université de Washington-Bothell.

L’air apparemment pur du Mount Bachelor recèle des particules de pollution provenant d’Asie, émises par les centrales électriques à charbon, les véhicules, les incendies de forêt, les tempêtes de poussières et même des feux de bois allumés pour cuisiner.

La Chine émet désormais plus de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement du climat, qu’aucun autre pays. Mais les scientifiques sont également préoccupés par les polluants moins connus qui migrent depuis le continent asiatique.

L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) reconnaît que la pollution de l’air peut parcourir de longues distances. Ce qu’on ne sait pas, c’est «quelle quantité de pollution se déplace sur ces distances et son impact réel», souligne Bill Wehrum, de l’EPA.

Publicité

En 1994, M. Jaffe a découvert un modèle informatique indiquant que des polluants trouvés dans l’Arctique provenaient de Chine. Il a obtenu une bourse d’une fondation américaine et a installé son premier observatoire à Cheeka Peak, qui culmine à 490 mètres, à 200 kilomètres à l’est de Seattle.

En 1999, il a emmené ses instruments à bord d’avions découvrant davantage de pollution entre 1 830 mètres et 6 100 mètres d’altitude. Ce qui l’a conduit en 2004 au sommet du Mount Bachelor, une station de sport d’hiver du centre de l’Oregon, où il a installé une batterie d’instruments. Il se rend tous les deux ou trois mois sur le site pour assurer le bon fonctionnement des équipements.

Depuis 2000, des satellites sont en mesure de détecter la poussière, la suie, l’ozone et les oxydes nitreux transportés par le vent au-dessus du Pacifique en haute altitude. Le printemps offre des conditions idéales au transport de la pollution chinoise vers les États-Unis.

En 2003, M. Jaffe et un autre scientifique américain, Dave Parrish, ont publié une étude concluant à une hausse de l’ozone au-dessus du Pacifique de 10 parties par milliard en 18 ans. «A cause de cela, il va nous être plus difficile de respecter nos propres normes de qualité de l’air», estime M. Jaffe.

D’autant plus que ces normes devraient être renforcées. Le 21 juin, l’EPA a proposé d’abaisser les seuils pour l’ozone au sol, principal composant du smog, car elle estime que les limites actuelles ne protègent pas la santé publique.

Publicité

Selon Daniel Jacob, de l’université de Harvard, les émissions asiatiques augmentent de 5% à 10% par an et la tendance devrait se maintenir durant la prochaine décennie.

Les États-Unis et le Conseil de défense des ressources naturelles (NRDC), une organisation écologiste, travaillent avec Pékin pour améliorer l’efficacité énergétique de la Chine. Barbara Finamore, qui dirige le programme du NRDC pour la Chine, estime que les Américains ont le devoir d’aider. «Les États-Unis ont délocalisé une grande partie de leur secteur manufacturier en Chine et donc la pollution qui va avec», souligne-t-elle.

Mais le défi est gigantesque. La Chine utilise deux fois plus d’énergie par unité de produit intérieur brut que la moyenne mondiale et dix fois plus que le Japon, leader en la matière. Plus de la moitié des 800 000 décès causés chaque année par la pollution de l’air urbain se produisent en Chine, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Et la Chine devrait construire 140 nouvelles centrales électriques au charbon ces trois prochaines années, qui auront une durée de vie de 30 à 70 ans, souligne Stephen Johnson, de l’EPA. «Ce que les Chinois font aujourd’hui aura des conséquences durables», prévient-il.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur