La désinvolture d’Air France

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Publié 19/09/2011 par Pierre Léon

Notre voyage Toronto-Paris avait mal commencé. Nous sommes un vieux couple qui s’épuise vite a courir dans les couloirs des aéroports. Air France, compatissant, nous fournit d’habitude une chaise roulante. Or ce jour-là une horde bruyante et colorée de miséreux assez éclopés mais plus lestes que nous, accaparent tous les véhicules, chaque fois qu’il en arrive un. On se résigne alors à traîner notre bagage sans l’aide de personne, jusqu’à l’embarquement.

Notre vol du 28 juin a deux heures de retard, certainement explicable pour un 747 de plus de 500 passagers, mais qu’on a vite fait de penser inexcusable. On va rater notre correspondance à Paris avec un TGV.

Mais on est optimiste à Air France et on nous console gentiment. On va s’occuper de nous. On nous conjure, à l’arrivée, d’attendre que l’avion se vide complètement: le temps que vous perdez maintenant, vous allez le gagner a la sortie. Car quelqu’un d’Air France vous attend et vous emmène a toute vitesse à l’aérogare. Quelle gentillesse! Malheureusement, la sortie de l’énorme Boeing prend quarante minutes, qui sont un calvaire.

Surprise! À la sortie de l’avion, on retrouve non pas la personne futée promise qui nous voiturerait au train, mais la même horde du départ de Toronto, prompte à s’approprier toutes les chaises roulantes. Ils les occupent encore une fois, instantanément, sous l’œil indifférent d’un garde chiourme, qui attend les retardataires. Il nous enjoint de rester tranquilles, nous laissant debout sur une haute plateforme pendant une demi-heure encore, en plein soleil et vent.

Finalement, un grand moustachu de gitan prend pitié de Monique, effondrée, et lui donne sa voiture. Un inconnu serviable la pousse jusque au milieu d’une foule où elle est brusquement abandonnée. Nous cherchons la maudite gare du TGV. Personne pour nous renseigner. De toute façon, notre train est parti depuis longtemps.

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Sollicitude miraculeuse, deux assistantes apparaissent, demandant haut et fort si, par hasard, il n’y aurait pas dans cette foule, deux passagers d’Air France cherchant la gare du TGV. C’est nous!

Mais elles n’ont qu’une seule chaise roulante. Monique la prendra et moi, je courrai derrière dans les interminables couloirs du Terminal 2F. Elles s’amusent bien nos deux filles, surtout de me voir essoufflé, tirant ma valise qui a des réticences. Elles vont finalement nous laisser tomber dans la cafétéria bondée, entre des tas de valises.

Le premier TGV est bien parti depuis longtemps. Le second est alors annoncé avec une heure trente de retard. Mais il partira inopinément à l’heure. Sans nous, qui reprenions bêtement notre respiration.

On a mis une bonne semaine à récupérer cet aller mémorable d’Air France. On pensait que le retour serait idyllique, rêvant d’un voyage en classe Affaires avec un bon repas et le luxe d’un siège devenant couchette pour une sieste céleste.

Vol AF 356 du 12 septembre 2011, places 04K et 04L, retenues depuis le 28 avril. Mais non. On nous annonce, à l’embarquement que Monique aux cheveux plus que blancs sera déclassée pour laisser la place à un jeune PDG ou ministre ou fils du Pape – que sais-je!

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Un Monsieur à l’air plutôt gentil, dira Monique, à qui j’ai laissé ma place royale pour me retrouver le dos scié et les genoux sous le menton en classe très économique.

Je dois dire que le personnel d’Air France a été, comme toujours, charmant et ne m’a pas ménagé les consolations. Mais pas d’explication. C’est la fatalité inscrite dans le destin du voyageur! Rien à y faire. Tout ce qu’on peut espérer, vous dit-on, c’est une compensation. Chouette!

Buveur, je me vois déjà recevant des caisses de vins rares jusqu’à la fin de ma vie, que je promets prochaine. Sans Monique, puisqu’elle a décidé de ne plus jamais voyager.

Par Air France en tout cas, dont la désinvolture lui reste en travers de la gorge. Je dirai, pour ma part, que j’ai eu envie d’aller trouver l’imposteur de la place de Monique et de lui rendre le voyage difficultueux. Je ne l’ai pas fait par courtoisie envers les autres passagers. Je pensais aussi à Depardieu, scandalisant son monde.

Il me reste à poser une question à Air France sur sa désinvolture: Quelle était donc la grande raison d’expulser une vieille dame de sa place pour la donner à un personnage jeune si important? Vite un nom!

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