Duvalier a interrompu le développement d’Haïti

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 27/04/2010 par Cedric Franklin

Le retard d’Haïti n’est pas un cas inexplicable ni une malédiction. La genèse du développement d’Haïti suivait, à une différente vitesse, le parcours de développement économique, social et politique de la communauté internationale.

Le XIXe siècle, ainsi que la première moitié du XXe siècle a été tout autant une période de bouleversements sociaux, politiques et économiques en Haïti qu’ailleurs dans le monde.

Trop souvent les historiens ont été trop sévères en analysant le parcours d’Haïti, et en élevant le développement européen, nord-américain et même sud-américain comme l’exemple qu’Haïti n’a pu suivre.

Les faits historiques les contredisent cruellement. Ainsi, on oublie vite que l’histoire européenne du XIXe siècle était parsemée de révolutions populaires et sanglantes, guerres dévastatrices, chutes fréquentes de régime, inégalités sociales aiguës, taux de mortalités infantiles et d’analphabétisme catastrophiques, espérances de vie très courtes, etc.

Sans oublier l’abomination suprême, et ce, après la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en l’inégalité des droits politiques, civiques, économiques et juridiques des femmes.

Publicité

Ainsi, c’est dans ce contexte social, économique et politique que l’on doit analyser et commenter les débuts du développement d’Haïti.

Antagonismes ethno-religieu

De la même façon que dans les sociétés occidentales se déroulaient des luttes de classes et des conflits ethno-religieux, Haïti à son échelle vivait les mêmes antagonismes entre une minorité mulâtre et une majorité noire, entre une élite urbaine et une majorité de paysans, entre une minorité catholique et une majorité pratiquant tout autant le catholicisme que le vaudou.

Tout comme ailleurs, il y eut des noyaux de développement en Haïti ainsi qu’une volonté politique de faire avancer le progrès expliquant la relative stabilité entre 1874 et 1911. Ce développement était si notoire qu’Haïti devint un lieu d’investissement prisé des capitaux étrangers et retourna sur la sellette des enjeux internationaux par le biais de convoitise tout autant européenne qu’américaine.

Alors que l’Europe et le monde entraient dans une période de destruction meurtrière sans précédent, Haïti à son tour amorça une nouvelle période d’instabilité politique qui a connu une relative accalmie du départ des Américains en 1934 jusqu’à l’avènement de François Duvalier en 1957.

Ces décennies ont vu la floraison de la culture haïtienne à travers sa littérature, l’émancipation du créole comme langue parlée et écrite du peuple haïtien, de l’art visuel à travers la reconnaissance internationale de l’art naïf.

Publicité

De même, l’infrastructure haïtienne a connu un progrès relatif par la construction de grands ouvrages comme le barrage hydroélectrique de la rivière Artibonite, la construction d’écoles et d’universités, l’agrandissement de chemins de fer et du réseau routier, etc.

L’État haïtien malgré ses dialectiques intrinsèques, non moins différentes des autres nations, semblait être sur la voie d’une certaine maturité politique où chaque gouvernement qui se succédait semblait vouloir tant bien que mal participer au progrès national.

Force répressiv

Cette dynamique s’est interrompue violemment et cyniquement avec l’avènement de François Duvalier. Sous prétexte initial d’affranchir la majorité noire de la corruption et de l’intransigeance de la minorité mulâtre et, par la suite, sous couvert de la Guerre froide, de veiller contre la menace communiste, le régime duvaliériste s’est imposé par une force répressive sans précédent et a plongé le pays non pas dans un immobilisme, mais dans une dégénération totale.

Alors que les nations occidentales entraient à pleines vitesses dans les «Trente Glorieuses», quittaient la révolution industrielle pour amorcer la révolution informatique, Haïti entrait dans 30 ans de désinvestissement massif.

L’embryon de développement qui avait été amorcé péniblement a été abandonné. L’Occident investissait dans la construction d’autoroutes, d’écoles, d’hôpitaux, dans la science et la recherche, et amorçait des réformes sociales innovatrices et symboles de progrès. Haïti, sous les Duvalier, investissait dans la terreur et la destruction.

Publicité

Ainsi, le fléau haïtien réside dans l’incapacité et l’absence de maturité de sa classe politique à adopter des projets à long terme et économiquement rentables. Alors que les pays avoisinants ont atteint tant bien que mal cette maturité politique qui se traduit par des institutions qui survivent efficacement aux changements de pouvoirs, Haïti commence à peine à se relever du coma politique infligé par le régime duvaliériste et à récupérer des traumatismes et séquelles que ce dernier a laissés.

Les autres nations ont su établir un équilibre, certes fragile, mais durable qui a su réconcilier les différents antagonistes sur des bases communes. Mais en Haïti, le régime duvaliériste a empêché et interdit de suivre ce progrès et n’importe quels chemins de développement empruntés par la communauté internationale. Ainsi en 2010, Haïti est largement moins développé qu’elle ne l’était en 1957, alors que sa population a triplé et ses ressources naturelles et humaines sont gravement épuisées. Là réside le drame Haïtien.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur