Cannes, plus que jamais souverain des festivals

72e Festival de Cannes du 14 au 25 mai

L’affiche du Festival de Cannes 2019, montrant une jeune Agnès Varda tournant son premier film en 1954.
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Publié 11/05/2019 par Jacqueline Brodie

Incontestable est sa suprématie! À preuve, la stupéfiante sélection qu’il affiche en ce millésime 2019.

En piste, une débauche de créateurs d’élite se lançant, forts de leurs victoires passées, à l’assaut de cette quasi mythique Palme d’or. On cligne des yeux, ébloui par l’éclat des ors des vainqueurs d’hier, en lice de nouveau. Serait-elle addictive cette Palme?

Le retour des palmés…

Sur la ligne de départ, 21 longs métrages. Parmi eux, cinq anciens lauréats:

Les frères Dardenne (Belgique) deux fois palmés: Rosetta (1999) et Le Fils (2005), proposent cette année Le jeune Ahmed.

L’Anglais Ken Loach, deux palmes lui aussi, pour Daniel Blake (2006) et The Wind That Shakes the Barley (2016), présente Sorry We Missed You.

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Quentin Tarantino

L’Américain Terrence Malick, vainqueur en 2011 avec The Tree of life, revient avec A Hidden Life (Une vie cachée).

Très attendu, l’Américain et cinéaste culte Quentin Tarantino est présent avec Once Upon a Time… in Hollywood, terminé in extremis, pour célébrer le 25e anniversaire de sa Palme d’or remportée avec le fracassant Pulp Fiction (1994).

Enfin, six ans après le couronnement de La Vie d’Adèle (2013) dont la Palme fut exceptionnellement attribuée à la fois au réalisateur et à ses deux splendides actrices, le Tunisien/Français Abellatif Kechiche présente une œuvre-fleuve (4h) Mektoub, My Love : Intermezzo.

… Et des figures de proue

1999, Pedro Almodovar, cinéaste emblématique de la nouvelle vague espagnole, fait une entrée remarquée au Festival de Cannes avec Tout sur ma mère. Vingt films plus tard, porteur d’une œuvre flamboyante axée sur des personnages féminins, deux fois oscarisé, deux fois primé, invité au Jury en 1992 qu’il présidera en 2017, ce vieil enfant chéri de La Croisette est de nouveau en piste.

Pour sa 5e compétition cannoise, il propose Dolor Y Gloria (Douleur et Gloire).

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Marco Bellocchio, 80 ans, cinquante années d’un cinéma contestataire, anticonformiste, est l’un des plus grands cinéastes italiens vivants (Les poings dans les poches (1965); Le diable au corps (1980), qui provoqua un immense scandale (1980), Vincere (2009).

Arnaud Desplechin

Son œuvre, éminemment politique, s’attaque aux tabous de sa société, à l’ordre et aux désordres établis: sexualité, religion, famille. Pour sa septième course à la Palme, il présente Il Traditore (Le Traître);

Originaire de Roubaix, au nord de la France, Arnaud Desplechin fait lui aussi, partie du club des «habitués» avec sa demi-douzaine de participations. C’est en 1991, dans la très exclusive section parallèle cannoise, Semaine de la critique qu’il fera ses premières armes. Après un premier long métrage en lice pour la Palme d’or, La Sentinelle (1992), le Festival, favorisant son cinéma très personnel, lui réservera fréquemment une place dans la compétition.

Membre du Jury en 2016, son film Les Fantômes d’Ismaël, eut l’honneur de faire l’ouverture du 70e du Festival. Il est de retour avec Roubaix, une lumière.

Cinéaste culte, l’Américain Jim Jarmush figure dans une classe à part. Ses films sont singuliers, poétiques, empreints de nostalgie, voilés d’humour. Il réalise, scénarise, compose. Icône du cinéma indépendant, ses œuvres sont souvent minimalistes favorisant le noir et blanc. 1984, son premier long métrage, Stranger Than Paradise est invité à la Quinzaine des réalisateurs et reçoit le prix de la Caméra d’or. Le Festival le découvre et l’adopte.

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Depuis, sept des treize films qu’il a signés furent en compétition, dont Broken Flowers, Grand Prix en 2005. Après le délicieux Paterson et son irrésistible chauffeur de bus poète (2016), le sexagénaire à la volumineuse blanche crinière ouvre le Festival avec The Dead Don’t Die.

Elia Suleiman, cinéaste-acteur palestinien est l’un de ces créateurs dont on peut affirmer que l’œuvre est unique. À l’approche de la soixantaine, sa filmographie surtout composée d’essais, ne signale que trois longs métrages. Et pourtant quel impact! Poétique, son cinéma utilise l’humour comme forme de résistance. Sa drôlerie stylisée réussit à habiller le tragique de tendresse. Inclassable!

C’est à Venise qu’il débute avec Chronique d’une disparition (1996), Prix du meilleur 1erlong métrage. Avec bonheur, on découvre à Cannes lntervention divine – inoubliable joyau d’absurdité qui remporte le Prix du Jury et de la FIPRESCI (2002). Juré pour l’édition 2006, on le retrouvera en compétition avec Le temps qu’il reste (2009). Il est en piste, prêt à affronter tous ses brillants rivaux avec It Must Be Heaven, coproduit avec le Canada.

De la vieille garde au cadet

Cannes 2009, Xavier Dolan célèbre ses 20 ans et son premier long métrage, J’ai tué ma mère, programmé à la Quinzaine des réalisateurs. Le film est frénétiquement ovationné. Le jeune prodige devient l’enfant chéri de La Croisette.

Xavier Dolan

2010, Les Amours imaginaires est invité dans Un Certain Regard, section parallèle à la compétition. Idem pour le troisième, Laurence Anyways en 2012. Pour Tom à la Ferme (2013), un autre prestigieux festival lui offre la compétition, Venise.

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Surenchère? 2014, sera l’année de Mommy, son cinquième film en lice pour la Palme d’or. Enfin! Les festivaliers sont bouleversés, choqués par la puissance du film et sa charge émotive. Il remportera le Prix du Jury, ex aequo avec le vétéran-icône Jean-Luc Goddard (Adieu au langage).

Même trajectoire pour Juste la fin du monde, Grand Prix, un cran sous cette Palme tant désirée. Consolation: il est invité au Jury de l’édition 2015, aux côtés des illustrissimes frères Coen.

Seul échec en 10 ans: son film anglais The Life & Death of John Donovan (2018) que seuls ont vu les spectateurs du TIFF. Depuis peu trentenaire, le jeune québécois aux multiples talents – acteur depuis son enfance, scénariste – retrouve La Croisette, la compétition et lance sa dernière création Matthias et Maxime.

Une scène de Matthias et Maxime (Photo: Shayne Laverdiere & Sons of Manual)

Et les femmes?

Dans cette mer d’anciens vainqueurs, quatre femmes. Première compétition pour chacune d’elles.

Deux Françaises, Céline Sciamma, lauréate de la Caméra d’or en 2007, qui présente Portrait de la jeune fille en feu, et Justine Triet avec Sibyl.

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Mati Diop, réalisatrice et actrice franco-sénégalaise, première Noire dans cette course prestigieuse, présente Atlantiques, tandis que l’Autrichienne Jessica Hausner, trois fois invitée dans Un Certain Regard, affronte les dragons avec Little Joe.

Au total, sept premières et premiers venus triés sur le volet. Courage: haute est la barre.

Alexandro González Iñárritu

Le Jury

La parité est arrivée. Quatre femmes et quatre hommes composent le Jury 2019.

Se pourrait-il que le Festival de Cannes se soit offert un pied de nez à notre fantasque et hyper puissant voisin. C’est à un Mexicain qu’il a confié la présidence du jury de la compétition: le réalisateur, producteur et scénariste Alejandro González Iñárritu.

Deux fois oscarisé, primé au Festival pour Babel (2006) et Biutiful (2010), il présentait en 2017, le saisissant Carne y arena, une plongée en réalité virtuelle dans la lutte pour la vie d’un immigrant; une bouleversante immersion totale des sens.

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Sous sa houlette, ses huit jurés, savant panaché de cultures, devront trancher. Tout un défi!

Monia Anyways

Elle a joué pour lui. Ensemble ils ont conquis La Croisette. Lumineuse interprète de ses premiers films (Les Amours imaginaires, Laurence Anyways), elle rejoint à Cannes, dix ans plus tard, son mentor et ami Xavier Dolan.

Monia Chokri

Tout en poursuivant sa fructueuse carrière d’actrice (une dizaine de longs métrages au Canada et en Europe), Monia Chokri est passée à la réalisation. Un court métrage d’abord, primé au Festival de Locarno, sélectionné au TIFF et un long. Son premier, La Femme de mon frère, est invité en sélection officielle dans Un Certain Regard.

Un millésime faste pour la cinématographie canadienne: trois longs métrages; un court métrage de Brandon Cronenberg à la Semaine de la Critique: Please Speak Continuously And Describe Your Experiences As They Come To You, et une coproduction Canada, États-Unis: The Lighthouse de Robert Eggers à La Quinzaine des Réalisateurs. Que le meilleur gagne!

Parmi les célébrités, les festivaliers pourront applaudir le légendaire Alain Delon (Le Guépard), récipiendaire, cette année, de la Palme d’Honneur pour «sa magnifique présence dans l’histoire du 7e Art».

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