Je suis une femme libanaise et comme tant d’autres au Liban et à travers le monde, je ne peux m’empêcher de souffrir avec ceux et celles qui sont les victimes de cette tuerie. Et pour mieux les pleurer, je me suis imaginée là-bas avec eux, un soir, assise dans un coin, témoin muet et impuissant. L’histoire est pleine de guerres, de carnages, d’invasions, de cupidité et la nature humaine ne changera hélas vraisemblablement jamais. Pour qui et pourquoi sont-ils morts? Je laisserai à la conscience des hommes le soin de répondre.
Elles étaient là, les mères de Gaza, recroquevillées sur leurs enfants, les rassurant, leur disant qu’ils étaient à l’abri. Et leurs petits, les larmes aux yeux, tremblotaient en s’efforçant de les croire, parce que les mamans ne mentent jamais. Et les éclairs se faisant de plus en plus forts, ils se serraient contre ce sein qu’ils avaient toujours connu pour les avoir apaisés, nourris. Et les deux cœurs battaient ensemble, à l’unisson, pensant faire fuir la menace, car le cœur d’une maman est le plus rassurant des refuges. Ils fermaient leurs yeux pendant quelques instants, entre deux bombardements, cherchant le calme au milieu de cette tempête d’obus qui pleuvaient d’un ciel qu’on voulait clément; ce même ciel qui abritait le Dieu de la Miséricorde, de l’Amour.
Et les mamans se sont mises à fredonner tout doucement ces berceuses que l’on aime entendre pour revenir ne serait-ce qu’un jour en arrière, qu’une heure. Une heure avant la mort. Peut-être s’ils avaient su, ils seraient partis. Mais pour aller où? Et quitter cette bonne terre, cette maison que l’on avait bâtie pierre sur pierre à la sueur du front?
D’autres enfants s’étaient déjà allongés, vêtus de leurs pyjamas, sur les matelas que l’on avait apportés de chez soi pour se cacher dans cette maison que l’on disait sûre. Les mamans avaient fait des tartines avec le peu de pain qui restait et un morceau de fromage que l’on s’était partagé. Ils avaient faim, ces fiers gens de Gaza. Ils n’étaient pas pauvres; ils étaient coupés du monde, isolés, affamés et terrifiés. Mais ils étaient en sécurité, pensaient-ils, car ici il n’y avait que des femmes et des enfants et pas de guerriers ni d’armes. Et puis, après tout, c’était la terre des prophètes…
La nuit était tombée depuis longtemps maintenant et les bombardements rugissaient au loin. Le doux ronronnement des petits faisait sourire tendrement les mères. Ils dormaient enfin, ils rêvaient sans doute. Mais de quoi peut rêver un enfant qui côtoie les cris, les pleurs, la mort?