Devant moi, la plus belle et la plus merveilleuse des femmes du moment: mademoiselle Doucet, ma maîtresse d’école, que j’aimais éperdument. Le jour? Le 21 mars. En ce premier jour de printemps, mademoiselle Doucet avait laissé au fond de nos petits pupitres, à chacun, une feuille de papier pliée en deux qui sentait bon l’encre bleue.
Mais pas touche avant sa permission! De plus, cette journée-là, notre enseignante nous avait préparé une surprise et avait pris la peine d’écrire nos noms sur de petits bouts de papier qu’elle avait soigneusement déposés dans son chapeau de paille, sur son bureau, à côté de ma pomme rouge, bien entendu. Mais qu’allait-elle faire tirer comme cadeau-surprise?
Elle avait installé un 33-tours sur le petit tourne-disque carré situé derrière la classe. Quelle était donc la chanson de fin du mois qu’elle nous ferait entendre dix jours à l’avance? Nos petites têtes d’enfants étaient complètement intriguées par les manoeuvres de notre maîtresse d’école.
Mais avant toute chose, elle nous demanda de nous lever et d’aller ouvrir les fenêtres de la classe afin de humer la fraîcheur de l’air printanier. Ce que nous fîmes le plus solennellement possible, fidèles à notres habitude de tout faire pour plaire à notre sublime Mademoiselle Doucet.
Une fois que nous fûmes rassis à nos pupitres, elle procéda immédiatement au tirage en glissant sa belle et longue main blanche dans le creux de son chapeau. Elle cueillit délicatement un petit bout de papier rose et prononça ces quatre lettres: Y.V.A.N. Elle me regarda de ses yeux de velours et me fit signe d’ouvrir le premier la fameuse feuille pliée en deux. Elle me demanda de lire les quatre premières lignes d’un texte de chanson.