Les séparatistes québécois ont perdu deux référendums en 1980 et 1995 (le dernier de justesse, ce qui en autorisera un troisième dans cinq ou dix ans), mais ils ont remporté depuis longtemps une grande victoire psychologique: de Brian Mulroney à Stephen Harper, en passant par Jean Chrétien, tous les politiciens de tous les partis s’adressent maintenant «aux Canadiens et aux Québécois».
Que ce soit pour annoncer un nouveau crédit d’impôt ou l’envoi de troupes en Afghanistan, on vantera les mérites de sa politique ou de son programme censé profiter «aux Canadiens et aux Québécois», comme s’il s’agissait déjà là de deux peuples différents.
Évidemment, on ne fait ça qu’en francais et qu’au Québec, pour s’adapter à la mentalité locale, pour qui la séparation est déjà un fait dont la reconnaissance officielle ne serait plus qu’une formalité, et pour qui un «Canadien» est nécessairement un anglophone d’une autre province et un «Québécois» exclusivement un francophone du Québec.
En Ontario, aucun politiciens fédéral ne s’adressera en anglais «aux Canadiens et aux Ontariens», ni même en français «aux Canadiens et aux Franco-Ontariens».
Les professionnels de l’image ont convaincu les dirigeants fédéraux que le terme «Canadiens-Français» est tombé en désuétude chez les francophones du Québec, qui ont adopté «Québécois» en oubliant qu’il y a des francophones ailleurs, et que le terme «Canadiens-Anglais» est impopulaire au Canada anglais, où on s’accroche à l’illusion d’une seule nation canadienne «sans trait d’union», dont le bilinguisme ne serait qu’une caractéristique secondaire.