Questions sur les octrois aux arts franco-ontariens

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Publié 18/04/2006 par Louis Émond

(Lettre ouverte à la nouvelle ministre ontarienne de la Culture, Caroline Di Cocco.) Difficile de juger comment le Conseil des arts de l’Ontario (CAO) attribue les fonds publics réservés aux arts franco-ontariens. C’est vrai, en principe le personnel n’est pas autorisé à dévoiler les commentaires du jury sur les différents projets soumis. Mais il arrive qu’un ou une employée s’échappe.

On apprendra alors, par exemple, que les antécédents du demandeur de subvention «ne sont pas clairs». S’il s’agit des antécédents en matière de publications, l’employé pourra aller jusqu’à avouer que «certains membres du jury» ne connaissent pas les éditeurs du demandeur, en l’occurrence Victor-Lévy Beaulieu, que peu de professionnels ou d’amoureux de la littérature en nos terres admettraient ne pas connaître, et Michel Brûlé, qui fait souvent les manchettes, comme lorsqu’il a publié le Livre noir du Canada anglais de Normand Lester.

Un tel aveu soulève un doute sur les compétences des jurés… D’ailleurs, pourquoi les commentaires du jury, qui devraient faire preuve d’un minimum acceptable d’objectivité, ne sont-ils pas accessibles au demandeur d’une subvention, lui qui est le premier concerné?

Mais revenons aux «antécédents». Pour nombre de jurys de par le monde, jurys sachant très bien qu’ils ne sont pas omniscients, des articles de journaux clarifient les antécédents d’auteurs consacrant leur peu de temps à l’écriture plutôt que de le partager en s’investissant dans les mondanités du milieu littéraire.

Mais la politique officielle du CAO est de n’accepter aucun dossier de presse pour le programme de création littéraire. Or, il arrive qu’un demandeur de subvention se fasse dire qu’un dossier de presse «ne nuirait pas à sa demande», puis qu’il se voie accorder une subvention en création littéraire…

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Comment le CAO peut-il prétendre à l’intégrité lorsque ses règles s’appliquent différemment selon la personne qui pose la question? Quand on sait l’importance que revêt une telle subvention pour nos poètes et nos écrivains, n’y a-t-il pas lieu de nous interroger sur le processus d’attribution de ces sommes provenant des fonds publics?

Par exemple: d’une part, si le CAO n’accepte pas les dossiers de presse, pourquoi l’étude des demandes ne se fait-elle pas dans l’anonymat comme c’est le cas pour le programme équivalent du CAO en anglais?

Et d’autre part, si les antécédents en matière de publication font partie des critères d’évaluation, pourquoi un dossier de presse faisant état de l’impact, parfois important, de publications antérieures n’est-il pas admissible?

En ce moment, rien ne conduit le jury à élargir sa connaissance des auteurs franco-ontariens et rien ne le mène à une plus grande connaissance d’une oeuvre considérable qu’il ignore. Par ailleurs, rien ne permet au jury d’évaluer uniquement le mérite artistique d’un manuscrit (pour ne pas dire d’un brouillon, car c’est un extrait de l’oeuvre inachevée que l’on évalue et qui doit illustrer la richesse de l’oeuvre terminée…), et rien n’empêche la renommée circonscrite d’un auteur d’influencer indûment les jurés.

De plus, n’est-on pas éthiquement appelé à se demander si le programme est vérolé lorsqu’il est notoire, vérifiable sur le site web du CAO et considéré comme allant de soi que, d’une année à l’autre, des présidents d’organismes du milieu littéraire y deviennent jurés, puis que ces jurés deviennent bénéficiaires d’une subvention du même programme?

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Est-ce qu’il n’y a pas lieu d’examiner un processus de distribution des fonds publics quand il n’est pas à l’abri des soupçons de copinage endémique?

Il est temps que l’Ontario francophone se munisse d’instruments qui mettent en lumière les qualités de sa littérature plutôt que d’entretenir l’esprit de village.

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