L’arabe, langue négligée du système éducatif français

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Publié 12/04/2016 par Harriet Vince

«En France, quand un enfant est bilingue avec des langues européennes, il est considéré comme bilingue… mais pas quand il parle une langue de la migration, comme l’arabe.»

C’est ce que soutient la sociolinguiste Christine Hélot, qui était de passage la semaine dernière au Centre de recherche en éducation franco-ontarienne (CREFO) de l’Université de Toronto.

Française d’origine, Christine Hélot a vécu quinze ans en Irlande, où elle a fait une thèse sur le bilinguisme en famille. Actuellement, elle est professeure à l’Université de Strasbourg en formation des futurs enseignants, en particulier de la maternelle et du primaire.

Rappelant ne pas être spécialiste de l’arabe, elle travaille dans un laboratoire sur les politiques linguistiques. Mais ses travaux l’ont amené à s’intéresser à «l’islamophobie croissante en France».

Sur 64 millions d’habitants en France, 10% sont des immigrants récents, dont une grande majorité de musulmans du Maghreb, ce qui fait de l’arabe la langue la plus parlée en France après le français.

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Mais il y a très peu de recherches là-dessus, déplore la conférencière.

D’ailleurs, jusqu’aux années 2000, dit-elle, les pratiques linguistiques en France étaient méconnues.

Selon l’enquête familiale nationale de 1999 en France, on compte 1 170 000 adultes auxquels les parents ont parlé l’arabe dès l’âge de 5 ans en même temps que l’apprentissage du français.

Mme Hélot a identifié différentes pratiques linguistiques d’apprentissage en France concernant les langues issues de l’immigration, en mettant l’accent sur l’arabe.

Au lycée, l’arabe n’est enseigné que dans 33 des 101 départements français, largement dépassé par l’espagnol, l’allemand et l’italien comme choix d’une deuxième ou troisième langue vivante par les élèves.

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Ainsi, délaissé par l’Éducation nationale, ce sont souvent les associations communautaires qui s’occupent de l’enseignement de l’arabe. «Les écoles ne veulent souvent pas offrir l’arabe à cause des préjugés. Par contre, si l’arabe est très peu enseigné à l’école publique et peu traduit dans les lieux publics en France, il est au contraire très présent dans le milieu du spectacle», souligne-t-elle.

L’éveil aux langues – appelé dans le jargon «première éducation au plurilinguisme» – est un modèle pédagogique très intéressant, s’enthousiasme-t-elle.

«Les enseignants n’ont pas besoin de parler toutes les langues, mais on fait des activités autour des différentes langues des enfants dans leur classe.»

Toutefois, si la tâche n’est pas facile en France, qui a une tradition du monolinguisme particulièrement ancrée dans sa culture, il ne faut pas s’y arrêter, selon elle.

C’est la tâche qu’elle s’est donnée au moyen d’un cours intitulé «didactique du plurilinguisme». «J’essaye de sensibiliser les futurs enseignants aux ouvrages de littérature jeunesse arabe, traduits en français.»

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Fin 2016, en collaboration avec un ensemble de chercheurs, elle publiera un livre sur les différents modèles d’éducations bilingues en France. Il y aura bien sûr un chapitre sur l’arabe.

Citant Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France de 2004 à 2015, Christine Hélot résume le défi: «On demande à nos partenaires dans le monde de reconnaître leur dimension francophone. Mais comment faire accepter l’inverse, notre arabophonie?»

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